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Les attaques de l'Aude soulignent la persistance d'une menace intérieure

Les attaques menées dans l'Aude par Radouane Lakdim, qui s'est radicalisé en France avant de tuer quatre personnes en se présentant comme un "soldat de l'EI", soulignent la persistance d'une menace jihadiste endogène qui inquiète les autorités.

Ces attaques rappellent "que le niveau de la menace terroriste sur notre territoire n'a pas faibli. Désormais surtout endogène, il est d'abord le fait d'individus radicalisés se trouvant sur notre territoire national", a expliqué vendredi le procureur de la République de Paris, François Molins.

"C'est un risque qui va durer, plus difficile à déceler", commentait cette semaine un haut-responsable de la lutte antiterroriste française dans un entretien à l'AFP.

Engagée dans la coalition militaire internationale intervenant en Syrie et en Irak contre l'organisation jihadiste Etat islamique, la France a été depuis 2015 la cible d'une vague d'attentats sans précédent désormais responsable de la mort de 245 personnes.

Mais il ne s'agit plus d'individus envoyés depuis la zone de combat irako-syrienne pour commettre des attaques en Europe, comme lors des attentats de Paris et Saint-Denis du 13 novembre 2015 (130 morts), mais de personnes influencées à distance par l'idéologie de l'EI avant de passer à l'acte.

Déjà en septembre 2017, au moment de la présentation de son projet de loi antiterroriste visant à prendre le relais du régime exceptionnel de l'état d'urgence, le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb avait évoqué cette menace interne: une menace née, selon lui, de la "propagande" jihadiste qui a réussi "à contaminer un certain nombre d'esprits".

Lors de ses voeux en début d'année, le ministre avait enfoncé le clou en faisant du renseignement "la grande bataille" de 2018. A cette fin, quelque 2.000 créations de postes sont prévues durant le quinquennat d'Emmanuel Macron pour la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) et le renseignement territorial.

Le profil de Radouane Lakdim, l'assaillant jihadiste de l'Aude, fiché "S" (pour Sûreté de l'Etat), évoque à ce stade celui d'autres auteurs d'attentats perpétrés en France, eux aussi radicalisés dans le pays, tel Zyed Ben Belgacem, abattu lors d'une attaque contre des militaires à l'aéroport d'Orly en mars 2017.

- "Terroristes isolés" -

Au 20 février 2018, 19.745 individus étaient recensés au Fichier des signalements pour la prévention et la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT), un outil créé en 2015. Près de 11.000 d'entre eux faisaient l'objet d'une "prise en compte" effective des services.

Vendredi soir, le procureur de la République de Paris, François Molins, a indiqué qu'aucun élément ne pouvait à ce stade laisser penser que Radouane Lakdim avait eu l'intention de se rendre en Syrie.

Selon une source proche de l'enquête, il ne s'est jamais rendu en Syrie et aucun passage en Turquie, point d'entrée vers les bastions de l'EI, n'a été signalé.

"La menace est principalement le fait d'individus présents en France: soit de velléitaires qui ont été empêchés de se rendre en Syrie ou en Irak, soit de primo-terroristes qui peuvent passer à l'action sans qu'il y ait eu de signes avant-coureurs", déclarait en octobre à l'AFP le patron de la DGSI, Laurent Nunez.

Cette tendance s'est renforcée après la série de défaites subies par l'EI en Syrie et en Irak, où elle a perdu une très large partie des territoires qu'elle avait conquis à partir de 2014.

"La +campagne d'Europe+ que +Daech+ (acronyme arabe de l'EI, ndlr) a lancée en mai 2014 avec l'attentat contre le Musée juif de Bruxelles se poursuit. (...) Cette campagne est pour l'essentiel menée par des cellules dormantes, comme en Catalogne en août 2017, ou des terroristes isolés, comme dans l'Aude", a expliqué à l'AFP Jean-Pierre Filiu, professeur à SciencesPo.

Et, ce, insiste cet expert, alors que le débat public s'est beaucoup focalisé récemment sur le risque que représentent les "returnees", c'est-à-dire ceux qui ont réussi à rejoindre les rangs de l'EI en zone irako-syrienne et qui pourraient être tentés de retourner dans leur pays d'origine pour commettre des attaques.

A ce jour, un peu moins de 200 "returnees" font l'objet d'une procédure judiciaire en France, pour l'essentiel des hommes, selon une source proche du dossier.

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