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Les célébrités comme Weinstein mieux armées face à la justice américaine

En poursuivant le puissant producteur de cinéma Harvey Weinstein, la justice américaine semble confirmer que nul n'échappe à la loi aux Etats-Unis. Reste que la richesse et la célébrité, en particulier dans les affaires sexuelles, permettent généralement à l'accusé de mieux s'en sortir.

Cette ambivalence se vérifie dans le cas de Weinstein, inculpé vendredi de viol et agression sexuelle, mais laissé en liberté contre le paiement d'une caution à la portée de ses gros moyens.

Cette même fortune lui permet de s'offrir les services de Benjamin Brafman, un ténor du barreau de New York qui a notamment défendu Michael Jackson et Dominique Strauss-Kahn.

A noter que ces deux personnalités, visées par des accusations d'agressions sexuelles, n'ont jamais été condamnées au pénal, soldant les procédures au civil par des transactions financières.

De l'avis général, si la justice rattrape Harvey Weinstein, elle le fait avec beaucoup de retard au regard des faits concordants rapportés sur une longue période par une centaine de femmes.

- "Privilégié" -

"Je ne pensais pas que ce jour viendrait", a confié vendredi l'ex-actrice Rose McGowan, qui affirme avoir été violée en 1997 par le magnat d'Hollywood.

Elle a souligné que le producteur était "privilégié", car il a été mis en accusation à l'ouverture du gros week-end de Memorial Day, où traditionnellement les Américains se désintéressent davantage de l'actualité.

Bien plus qu'ailleurs, le système judiciaire américain accorde une grande place à la négociation entre les représentants de la défense et de l'accusation.

Plus de neuf affaires pénales sur dix s'achèvent d'ailleurs sur une peine négociée avec un procureur et non un verdict rendu par un jury.

Ben Brafman a d'ailleurs prévenu qu'il avait l'intention de poursuivre ses "discussions" avec le parquet de New York, afin de le "dissuader" de continuer à poursuivre son client.

En plus de s'entourer des avocats les plus pugnaces, être fortuné permet aux suspects de haut vol d'étouffer les scandales et les actions judiciaires par le biais de clauses de confidentialité très contraignantes.

L'avocat personnel de Donald Trump, Michael Cohen, en a fait sa spécialité.

L'argent permet également aux célébrités de lancer des contre-enquêtes, confiées à des détectives privés, visant à décrédibiliser la parole de l'accusation.

On a ainsi vu récemment Tom Mesereau, un autre avocat vedette de l'acquittement de Michael Jackson, déterrer le passé d'Andrea Constand, la principale accusatrice du comédien Bill Cosby, finalement reconnu coupable d'agression sexuelle fin avril.

Tout comme Weinstein, Cosby s'est retrouvé à rendre des comptes à la justice très tardivement. Cela s'explique en partie par le changement de mentalités illustré par le mouvement #MeToo.

- Procureurs timorés -

Mais aux Etats-Unis, la notoriété a aussi pour effet de ralentir la machine judiciaire.

Dans un pays où les procureurs sont élus et soumettent leur bilan au verdict des urnes, certains sont réticents à s'attaquer à des célébrités populaires ou au bras long.

Ils sont encore plus réticents en cas de possibilité d'échec de leurs poursuites, une hypothèse pouvant faire dérailler leur carrière. Or les accusations d'agression sexuelle sont parmi les plus difficiles à prouver.

Le procureur de Manhattan Cyrus Vance a été récemment critiqué pour avait renoncé à inculper Harvey Weinstein en 2015, après la plainte d'une mannequin italienne et un enregistrement dans lequel le producteur reconnaissait des attouchements et la harcelait encore.

Cet élu démocrate s'était déjà vu reprocher en 2011 d'avoir jeté l'éponge face à DSK.

Reste que les Américains, dans leur immense majorité, soutiennent fermement le principe d'une "justice égale devant la loi", la devise gravée au fronton de la Cour suprême à Washington.

Cela suppose notamment d'appliquer le même traitement aux suspects, et notamment la procédure d'enregistrement judiciaire très dommageable en termes d'image: prise d'empreintes digitales, photographie d'identité de face et de profil, et parade de la personne avec les menottes, quels que soient sa notoriété et le risque qu'elle prenne la fuite.

Harvey Weinstein a dû s'y soumettre. Certaines de ses victimes présumées y ont trouvé un premier réconfort.

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