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Les coulisses du contrôle des chômeurs ou la "remobilisation" des demandeurs égarés

"Mais vous l'avez mis entre parenthèse ce projet de formation ?" Dans le cadre du contrôle des chômeurs, récemment renforcé par le gouvernement, Christine tente de comprendre pourquoi M. R. n'a toujours pas réalisé la formation de cariste décidée il y a sept mois.

Christine est l'une des 14 conseillères de la plateforme "contrôle de la recherche d'emploi" (CRE) des chômeurs de Lorraine, à Nancy. Des effectifs qui auront triplé dans les prochaines semaines, comme au niveau national (215 à 600).

A son menu cet après-midi, des rendez-vous téléphoniques avec des demandeurs, sélectionnés de manière aléatoire (au minimum un tiers des contrôles) ou sur critères comme celui d'avoir achevé une formation depuis six mois et être toujours à Pôle emploi.

Ces rendez-vous sont la troisième étape du contrôle, lorsque l'analyse du dossier informatique, puis l'envoi d'un questionnaire papier n'ont pas suffi à conclure à l'effectivité de la recherche d'emploi.

Dans le cas de M. R., inscrit depuis 2016, Christine est intriguée "qu'il ne se soit rien passé de nouveau sur sa formation" depuis juillet alors qu'elle "a constaté des candidatures à des agences d'intérim", mais comme agent d'entretien.

Au fil de la conversation, ce jeune homme de 27 ans confie qu'il n'a pas fait le "stage d'immersion en entreprise". "Les stages, j'en ai un peu marre", dit-il, n'ayant visiblement pas compris que c'était la condition pour que Pôle emploi finance sa formation.

Christine changera ses modalités d'accompagnement en agence, de "guidé" à "renforcé", afin qu'il soit vu plus régulièrement: "C'est quelqu'un qui a besoin d'être pris par la main".

- Lutter contre le décrochage -

Le contrôle "permet de redynamiser ceux qui sont découragés, lutter contre le décrochage et identifier ceux qui ne sont pas autonomes", résume la responsable de l'équipe, Aziza Aifi.

Comme Mme B., 56 ans, inscrite depuis juin 2018, dont le profil informatique fait état d'une recherche de poste d'aide soignante, son métier pendant 20 ans. Mais dans son questionnaire, elle explique vouloir travailler auprès d'enfants handicapés ou... comme toiletteuse pour chiens.

"Madame, il va falloir faire le tri et revoir votre profil", lui explique Pauline. "N'hésitez pas à aller en agence, des jeunes sont là en service civique pour vous aider sur internet", conseille-t-elle à Mme B., qui avoue "ne rien y connaître".

En Lorraine comme ailleurs, le numérique reste un gros frein à la recherche d'emploi pour les demandeurs de plus de 50 ans, dont un tiers se disent "peu familiers du web", selon une récente étude de Pôle emploi.

Pauline se souvient d'avoir appris à un boulanger de 55 ans au chômage qu'il avait quatre offres d'emploi sur son espace personnel. "Il ne savait pas le consulter. Heureusement, après le contrôle, il a pu retrouver un CDD puis un CDI".

Pour Mme B., le contrôle s'arrêtera avec l'envoi du compte rendu d'entretien à son "conseiller référent" en agence, avec qui "on a le même objectif de retour à l'emploi mais on ne mélange pas les casquettes", explique Laurence Lefèvre-Corcy, directrice du CRE pour le Grand Est.

Mais parfois le rappel "aux devoirs du demandeur d'emploi", souvent "bien accepté" selon les équipes, ne suffit pas.

C'est le cas cet après-midi là d'un demandeur qui a dit à son agence être en convalescence depuis octobre mais n'a pas envoyé d'arrêt maladie, a donné un faux numéro de téléphone, n'a pas répondu au questionnaire ni téléphoné lors du rendez-vous fixé par courrier...

Lui va recevoir un courrier d'avertissement. Sans réponse dans les deux semaines, Pôle emploi le sanctionnera d'un mois de radiation des listes avec suppression de son allocation. Il aura deux mois pour déposer un recours s'il conteste la sanction.

"Notre rôle est aussi de fiabiliser la liste des demandeurs d'emploi et des chiffres du chômage", assume Mme Lefèvre-Corcy qui n'a cependant "aucun objectif chiffré".

En 2016, seuls 14% des 139.000 demandeurs contrôlés ont été radiés pour insuffisance de recherche. "Cela permet de couper court aux idées reçues sur les chômeurs qui ne chercheraient pas de boulot", se réjouit-elle.

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