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Les droits des sportives transgenres en jeu devant la justice américaine

Les sportives transgenres peuvent-elles être bannies des compétitions féminines ? En Californie, une cour d'appel fédérale a examiné lundi ce sujet délicat qui suscite des passions très politiques aux Etats-Unis.

D'un côté, les défenseurs d'une loi adoptée début 2020 par les élus républicains de l'Etat de l'Idaho, première du genre à interdire aux étudiantes transgenres de participer aux épreuves féminines dans le sport scolaire et universitaire, très populaire aux Etats-Unis.

De l'autre, les défenseurs des personnes transgenres qui ont accusé les auteurs de la loi de créer une polémique artificielle pour séduire l'électorat le plus conservateur. Ces militants des droits civiques ont réussi à faire bloquer l'entrée en vigueur de la loi par un tribunal fédéral, qui a repris une partie de leur argumentaire.

"Il semble que les femmes transgenres n'ont pas et ne vont pas +remplacer+ les femmes cisgenres (dont l'identité et le genre sont identiques, ndlr) dans l'athlétisme", car elles représentent "moins d'un demi pour cent de la population", avait estimé le juge David Nye, en relevant que les archives parlementaires de l'Idaho ne recensaient aucun cas d'athlète femme évincée par une personne transgenre.

Mais l'Etat d'Idaho et deux jeunes athlètes féminines cisgenres ont contesté en appel ce blocage, estimant être victimes d'une injustice criante si elles sont contraintes de concourir face à des adversaires "nés garçons".

"Les compétitions féminines existent précisément parce qu'il y a de réelles différences physiques entre les sexes", a résumé après l'audience virtuelle Christiana Holcomb, avocate de l'organisation chrétienne conservatrice Alliance Defending Freedom qui soutient les deux jeunes femmes dans leur action en justice.

"Les hommes ont naturellement des avantages athlétiques sur les femmes et leur identification (à un autre genre, ndlr) ne change rien au fait qu'ils ont en moyenne une plus grande force physique, une plus grande vitesse et une plus grande endurance. Et aucun traitement de suppression de la testostérone ne peut défaire ces avantages physiques intrinsèques", assure Mme Holcomb.

- "Délibérément faussée et restrictive" -

Chase Strangio, avocat de la puissante organisation de défense des droits civiques ACLU qui a obtenu le blocage de la loi, a quant à lui plaidé lundi devant la cour d'appel que la loi d'Idaho "utilise une définition délibérément faussée et restrictive du sexe biologique".

Selon lui, "tous les experts sont d'accord sur le fait que le principal facteur à l'origine des différences athlétiques entre les hommes et les femmes, c'est le taux de testostérone".

La loi vise en réalité "uniquement les filles et femmes transgenres, afin de les exclure purement et simplement des compétitions sportives", déplore M. Strangio, qui défend Lindsay Hecox, une étudiante transgenre de l'Idaho ayant saisi la justice pour faire valoir ses droits.

Une coalition d'athlètes dont la tenniswoman Billie Jean King, la footballeuse Megan Rapinoe ou la basketteuse Candace Parker a pris fait et cause pour Lindsay Hecox.

Mais l'icône transgenre Caitlyn Jenner, médaille d'or du décathlon aux JO de 1976, s'est publiquement opposée samedi à l'inclusion dans le sport féminin des athlètes qui s'identifient comme femmes mais nées de sexe masculin.

"C'est une question d'équité", a lancé à un journaliste cette membre du clan Kardashian, qui a effectué en 2015 sa transition devant les caméras de télévision, contribuant à donner de la visibilité à une minorité jusque-là peu représentée.

La cour d'appel californienne a mis sa décision en délibéré sans fixer de date, mais elle sera très attendue: des textes comparables ont été introduits ces derniers mois dans une vingtaine d'Etats républicains, notamment en Floride la semaine dernière. En parallèle, plusieurs Etats conservateurs, tels l'Arkansas, ont pris des mesures pour priver les mineurs transgenres des traitements hormonaux nécessaires à leur transition.

"Les jeunes transgenres font face à tellement de discriminations qu'ils ne font pas de sport, ils ont déjà du mal à finir leurs études", avait relevé avant l'audience Chase Strangio.

"Je veux juste pouvoir courir, avoir une équipe, des amis qui me soutiennent", avait expliqué Lindsay Hecox, 20 ans, qui souhaite intégrer l'équipe de cross-country de l'université de Boise.

"Je n'essaie pas de prendre des bourses, des trophées ou des places aux autres filles", a-t-elle ajouté devant une caméra de l'ACLU qui la représente. "Je veux juste être comme elles. Je suis comme elle !"

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