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Les émeutes anti-racistes en Papouasie relancent les appels à l'indépendance

La région indonésienne de Papouasie est secouée depuis deux semaines par des émeutes meurtrières déclenchées par des attaques racistes contre des étudiants papous, qui ont redonné de la vigueur aux appels à l'indépendance du territoire.

"Ce qui a commencé comme des protestations contre des incidents racistes à l'est de Java a évolué ensuite vers le problème de l'indépendance", a observé Adriana Elizabeth, spécialiste de la Papouasie à l'Institut des sciences d'Indonésie. "Mais ils y a beaucoup de factions en Papouasie" qui ne sont pas d'accord entre elles, a-t-elle nuancé.

La Papouasie indonésienne, à l'ouest de l'île de Nouvelle Guinée, riche en ressources naturelles, est en proie à une rébellion indépendantiste sporadique contre le gouvernement indonésien. De l'autre côté de cette grande île couverte de forêts tropicales, la Papouasie Nouvelle-Guinée a obtenu l'indépendance en 1975 après avoir appartenu à l'Australie.

Depuis le 19 août des manifestations se succèdent dans les villes de Papouasie, certaines dégénérant en émeutes avec des bâtiments incendiées et des affrontements avec les forces de l'ordre.

A Jayapura, la capitale de la région jeudi, plus d'un millier de personnes sont descendues dans la rue, ont jeté des pierres sur les commerces et ont mis le feu à plusieurs bâtiments officiels.

On pouvait voir sur des vidéos la ville surplombée par les panaches de fumée noire des incendies tandis que des manifestants, réclamant l'indépendance, ont occupé le siège du gouverneur avant d'être délogés.

Mercredi, les affrontements les plus graves depuis le début du mouvement se sont produits dans le district isolé de Deiyai. Des heurts entre manifestants et forces de l'ordre on fait au moins un mort parmi les soldats et deux parmi les manifestants, selon les autorités.

Des témoins et des médias locaux ont fait état de 6 manifestants tués par balle au cours de ces incidents. Les autorités ont démenti ce bilan et souligné que les forces de l'ordre avaient été attaquées par des centaines de Papous armés de machettes et de flèches.

Ce bilan n'a pas pu être vérifié de manière indépendante. D'autant plus qu'un blocage de l'internet mobile, imposé en Papouasie depuis la semaine dernière, rend les communications particulièrement difficiles.

- arrestations et injures racistes -

Ce sont des incidents survenus le 17 août à Surabaya, sur l'île de Java, qui ont mis le feu aux poudres

La police antiémeutes a investi un dortoir pour arrêter 43 étudiants papous, accusés d'avoir détruit un drapeau indonésien le jour de la fête de l'Indépendance de l'Indonésie, avant de les libérer.

Parallèlement, des manifestants ont lancé des injures racistes aux étudiants papous, les traitant de "singes" ou de "chiens".

Ces images ont déclenché la colère des Papous qui se disent souvent traités comme des citoyens de seconde classe en Indonésie.

Population autochtone mélanésienne majoritairement chrétienne, les Papous ont une culture tribale très différente du reste des Indonésiens, à 90% musulmans.

Facteur aggravant, les forces indonésiennes sont accusées par les Papous et les organisations de défense des droits de l'Homme de commettre des exactions depuis des années dans leur lutte contre les séparatistes.

En décembre dernier, l'exécution d'au moins 16 ouvriers d'un chantier routier en Papouasie, revendiqué par des indépendantistes, a marqué une escalade des violences.

Benny Wenda, porte-parole du Mouvement uni pour la libération de la Papouasie occidentale, en exil à Londres, a appelé le monde à prêter attention à la Papouasie, sinon "les forces de sécurité pourraient se livrer à un bain de sang", a-t-il averti dans un communiqué publié jeudi.

Il a aussi réclamé un référendum sur l'indépendance.

Mais Jakarta, qui a pris par la force le contrôle de la Papouasie en 1963, ne veut pas en entendre parler. L'Indonésie considère qu'un référendum controversé en 1969 a définitivement réglé la question papoue.

Un groupe d'un millier de Papous, dont certains ont rapporté avoir voté sous la menace, s'était alors prononcés pour rester au sein de l'Indonésie.

La situation est "le résultat de plusieurs années pendant lesquelles le gouvernement pensait que construire des routes et investir" dans la région "allait faire taire les plaintes des Papous", a souligné Sidney Jones, directrice de l'Institut d'analyse des conflits (IPAC) basé à Jakarta.

Mais "toutes les autres questions, la violence gratuite, la rapacité des forces de sécurité, l'impunité des abus du passé (...) ont largement été ignorées", déplore-t-elle.

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