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Les Occidentaux frappent le régime en Syrie, Moscou obtient une réunion à l'ONU

Les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni ont lancé tôt samedi des frappes ciblées contre le régime syrien, qu'ils accusent d'une attaque chimique, ouvrant un nouvel épisode de tensions diplomatiques et militaires entre les Occidentaux et la Russie.

Moscou, allié indéfectible du pouvoir de Bachar al-Assad, a dénoncé ces frappes sans prendre dans l'immédiat de mesures de rétorsion, malgré son ton menaçant des derniers jours.

La Russie s'est bornée à demander la convocation d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité de l'ONU, qui aura lieu à 15h00 GMT.

Ces raids, qui ont visé trois sites liés au programme d'armement chimique syrien près de Damas et dans le centre du pays, n'ont fait "aucune victime au sein de la population civile ou de l'armée syrienne", d'après l'armée russe, dont les installations sur place ont été soigneusement évitées.

"Mission accomplie!", a lancé sur Twitter le président américain Donald Trump, saluant une frappe "parfaitement exécutée" et remerciant les alliés français et britannique "pour leur sagesse et la puissance de leur excellente armée".

Il était 04H00 à Damas (01H00 GMT) quand le président américain a annoncé ces frappes depuis la Maison Blanche.

"J'ai ordonné aux forces armées des Etats-Unis de lancer des frappes de précision sur des cibles associées aux capacités du dictateur syrien Bachar al-Assad en matière d'armes chimiques", a-t-il dit.

Au même moment, de lourdes détonations ont résonné dans la capitale syrienne et des colonnes de fumée ont émergé depuis le nord-est de la capitale, selon une journaliste de l'AFP. Les frappes ont duré environ 45 minutes.

Les frappes ont visé un "centre de recherche" à la limite nord-est de Damas, et des "entrepôts" d'armes chimiques, dont du gaz sarin, dans la province centrale de Homs, a détaillé le chef d'état-major américain, le général Joe Dunford.

Selon l'armée russe, la défense antiaérienne syrienne a intercepté 71 missiles de croisière sur 103.

A Damas, le président Assad a affirmé que cette "agression" ne faisait que "renforcer (sa) détermination à continuer de lutter et d'écraser le terrorisme", terme par lequel il désigne les rebelles.

Par la voix de son ambassadeur aux Etats-Unis Anatoli Antonov, Moscou a estimé que ces frappes étaient une "insulte" au président Vladimir Poutine.

En Iran, autre grand allié de M. Assad, le guide suprême Ali Khamenei a qualifié les dirigeants américain, français et britannique de "criminels".

Dans ces "circonstances dangereuses" qui font craindre une "escalade militaire totale", le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a appelé à la "retenue".

- L'enquête pas menacée -

A Damas, les frappes ont galvanisé les partisans du régime. Au lever du soleil, plusieurs dizaines d'entre eux se sont rassemblés sur l'emblématique place des Omeyyades, au son de klaxons et de musiques patriotiques, arborant des drapeaux syriens, chantant et dansant à la gloire de Bachar al-Assad.

Ces raids sont pour eux le signe de la victoire en marche du régime. "L'histoire retiendra que la Syrie a abattu des missiles, mais pas seulement. Elle a abattu l'arrogance américaine", lançait fièrement Nedher Hammoud, 48 ans.

A la mi-journée, les médias d'Etat ont annoncé l'entrée de forces de sécurité du régime à Douma, l'ultime bastion rebelle dans la Ghouta. Les insurgés de Jaich al-Islam avaient accepté dimanche d'évacuer la ville, au lendemain de l'attaque chimique présumée, imputée par les Occidentaux au régime syrien.

Cette attaque, le 7 avril, a fait au moins 40 morts, selon des secouristes sur place.

Le régime et l'allié russe ont toujours nié toute responsabilité, dénonçant des "fabrications" rebelles.

Les autorités syriennes ont accusé samedi les Occidentaux d'entraver avec leurs frappes la mission de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC), dont une équipe doit entamer samedi son enquête sur l'attaque chimique présumée.

L'OIAC a assuré dans un communiqué que son "équipe d'enquêteurs va continuer son déploiement" en Syrie "afin d'établir les faits relatifs aux allégations d'utilisation d'armes chimiques à Douma".

Avant les frappes, Washington avait assuré avoir "la preuve" de l'utilisation d'armes chimiques par le régime.

- "Réponse proportionnée" -

Le chef d'Etat major américain a précisé qu'aucune autre opération militaire visant la Syrie n'était prévue à ce stade.

"Une bonne partie de l'arsenal chimique (syrien) a été détruite", a estimé le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, tout en affirmant qu'"il y aurait une autre intervention" militaire en cas de nouvelle attaque chimique.

"Il est clair que le régime Assad n'avait pas reçu le message l'an dernier", a expliqué le ministre américain de la Défense Jim Mattis, en référence à la frappe américaine d'avril 2017 sur une base militaire près de Homs, après une attaque chimique -imputée par l'ONU et l'OIAC à Damas- ayant fait plus de 80 morts à Khan Cheikhoun (nord-ouest).

"Nous avons été très précis et la réponse était proportionnée, mais, en même temps, ce fut une frappe lourde", a-t-il ajouté.

Dans sa déclaration, Donald Trump a mis en garde l'Iran et la Russie, qui ont déployé des milliers d'hommes et du matériel en Syrie pour aider M. Assad.

Il a affirmé que la Russie avait "trahi ses promesses" de 2013 sur l'élimination des armes chimiques syriennes.

Ces frappes sont "justes et légales", a insisté la Première ministre britannique Theresa May, cible de critiques de partis d'opposition et d'ONG dans son pays.

Les trois puissances occidentales ont notamment reçu le soutien de l'Arabie saoudite et de l'Allemagne.

Mais pour un haut responsable du groupe rebelle islamiste Jaich al-Islam, ces frappes ne seront qu'une "farce" tant que M. Assad restera au pouvoir.

A Al-Bab (nord-est), où sont évacués les habitants de Douma, Ahmed ne se fait lui non plus guère d'illusion. "Tout ça n'est qu'une piqure d'anesthésie. On ne vas pas en bénéficier", estime ce mécanicien de 25 ans. "S'ils ne poursuivent pas les frappes, Assad ne va pas tomber et le régime va de nouveau utiliser la force contre nous".

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