Accueil Actu

Les frappes en Syrie, une "punition" qui n'arrête pas le régime et ses alliés

Les frappes menées samedi par les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne sont une "punition" pour le régime syrien et ses alliés, mais le pouvoir et la puissance de feu de Bachar al-Assad sont loin d'être ébranlés, estiment des experts.

La riposte se voulait spectaculaire. Une semaine jour pour jour après une attaque chimique présumée dans la ville rebelle de Douma, les trois puissances occidentales ont mobilisé navires de guerre et avions de chasse pour cibler des sites militaires et des centres de recherche du régime syrien.

"C'est une punition, une mesure disciplinaire. Les frappes viennent transmettre un message politique plus que militaire", affirme à l'AFP l'expert sur la Syrie Sacha al-Alou.

Aussi impressionnantes soient-elles, elles ne risquent toutefois pas de bouleverser l'équilibre des forces qui s'affrontent en Syrie, ravagée depuis 2011 par une guerre complexe qui a fait plus de 350.000 morts.

Paris assure que les Russes, alliés du régime, avaient été "prévenus en amont". Et selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), les sites visés étaient "complètement vides: les forces présentes avaient été évacuées".

"L'objectif était essentiellement politique. Il s'agissait de rétablir la dissuasion pour montrer au régime syrien qu'on ne laisserait plus faire", reconnaît Bruno Tertrais, directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique.

En avril 2017 déjà, le président américain Donald Trump avait ordonné le lancement de 59 missiles de croisière sur une base du régime syrien, après une attaque au gaz sarin qui avait tué plus de 80 civils.

- "Eviter l'escalade" -

"Les rapports de forces demeurent inchangés", estime de son côté Karim Bitar, de l'Institut des relations internationales et stratégiques basé à Paris.

"Toutes les installations russes ont été soigneusement évitées. Il y avait une volonté occidentale d'éviter l'escalade et le conflit généralisé", souligne-t-il.

Aujourd'hui encore, l'initiative occidentale ne risque pas d'entraver sur le terrain la progression d'un régime qui a reconquis plus de la moitié du pays, fort du soutien militaire de la Russie et de l'Iran.

Et si le recours présumé à l'arme chimique provoque régulièrement un tollé international, ce n'est pas cet arsenal qui a permis au pouvoir de Damas de multiplier les victoires.

"Où est le bénéfice d'une telle action des Occidentaux si cela ne mène pas à l'arrêt immédiat de toutes les violences et crimes perpétrés envers les populations syriennes?", s'insurge le médecin français Raphaël Pitti, un responsable de l'ONG française l'Union des organisations de secours et soins médicaux (UOSSM).

Dernière victoire fracassante du régime: la reconquête totale de la Ghouta orientale, bastion rebelle aux portes de Damas, au terme d'une campagne d'une rare violence qui a tué plus de 1.700 civils selon l'OSDH. C'est dans cette région que se trouve Douma, théâtre de l'attaque chimique présumée qui aurait tué selon des secouristes des dizaines de personnes.

Adoptant une même rhétorique, Damas, Moscou et Téhéran ont démenti le drame, accusant les rebelles de "fabrications" et les Occidentaux de chercher des "prétextes" pour frapper en Syrie.

- Représailles indirectes ? -

"C'est une tape sur les doigts", lance Nicholas Heras, du Center for a New American Security, en référence aux raids de samedi. "Aussi horrible qu'ait été l'utilisation d'armes chimiques par Bachar al-Assad, ce ne sont pas elles qui donnent au régime ses atouts décisifs sur le champ de bataille", insiste-t-il.

Il cite pêle-mêle l'aviation du régime et de Moscou, les milices chiites pro-iraniennes, le recours à la tactique du siège asphyxiant contre les territoires rebelles. "Aucun de ces atouts n'a été éliminé par les frappes" de samedi, ajoute-t-il.

Malgré le faible risque d'escalade, les experts n'excluent pas de possibles accrochages entre les différents belligérants sur le terrain, soutenus par des puissances aux intérêts divergents.

Pour M. al-Alou, chercheur au centre de réflexion Omran basé en Turquie, Moscou pourrait ainsi "engager l'escalade contre les maillons faibles" de la rébellion.

"On ne peut pas rendre la gifle directement, mais on vous la rendra en visant vos alliés", met en garde l'expert.

Un avis partagé par M. Heras qui n'exclut pas de voir le régime s'en prendre aux partenaires des Américains en Syrie: les combattants kurdes, autrefois fer de lance de la lutte antijihadiste, déjà en bien mauvaise posture alors qu'ils sont la cible d'une offensive turque.

"Rien ne saperait les Etats-Unis plus que d'éroder leur partenaire-clé, la force syrienne dont l'armée américaine dépend pour n'avoir qu'une présence limitée en Syrie."

burs-tgg/sva/cmk

À lire aussi

Sélectionné pour vous