Accueil Actu

Les habitants du Golan divisés, avant comme après les propos de Trump

Marla van Meter va continuer à s'occuper de ses petits-enfants et des jardins du kibboutz Afik comme avant, et n'ira sûrement pas voter Netanyahu aux prochaines élections parce que son ami Donald Trump veut reconnaître le Golan, où elle vit, comme faisant partie d'Israël.

Pour Marla van Meter comme d'autres Israéliens de la partie du Golan occupée par l'Etat hébreu, le président américain, proche allié du Premier ministre Benjamin Netanyahu, ne fait que reconnaître une "réalité" en se prononçant pour une reconnaissance de la souveraineté israélienne, une rupture de plus de sa part avec des années de consensus international.

Pour Ghassan Abou Jabal au contraire, membre de la communauté druze, l'autre groupe présent côté israélien, M. Trump travestit la réalité pour aider le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu en vue des législatives du 9 avril, et pour flatter son électorat américain.

"C'est une décision imbécile, de la part d'un imbécile lui-même, qui fait cadeau de quelque chose qui ne lui appartient pas à un autre imbécile encore plus corrompu que lui", dit ce médecin de Majdal Shams, localité druze d'environ 10.000 habitants touchant à la zone-tampon onusienne séparant la partie occupée et non occupée du Golan syrien.

Des dizaines de milliers de Syriens ont fui ou ont été chassés quand Israël s'est emparé d'une partie du Golan lors de la guerre en 1967 avant de l'annexer en 1981. Mais une partie des Syriens est restée et aujourd'hui environ 23.000 druzes, minorité arabophone et musulmane également présente en Syrie et au Liban voisin, vivent du côté israélien, ainsi que 25.000 colons israéliens arrivés depuis 1967.

- Cerise sur le gâteau -

La grande majorité de ces druzes se voient comme Syriens, ont refusé de prendre la nationalité israélienne, et sont apatrides.

"Nous faisons partie intégrante de la Syrie", dit à l'AFP Nizar Ayoub, à la tête d'Al-Marsad, organisation de défense des droits humains des Arabes sur le Golan. Il s'alarme de propos de M. Trump qui reflèteraient une volonté de diviser selon lui la Syrie en zones d'influence: américaine, russo-iranienne, turque et à présent israélienne.

Dans l'air depuis quelque temps, la reconnaissance américaine, qui doit encore se matérialiser au Congrès ou sous la forme d'un acte de l'exécutif, est plus largement interprétée comme une largesse faite à M. Netanyahu, en pleine bataille pré-électorale à l'issue incertaine.

La campagne a abondamment exploité la proximité de M. Netanyahu avec le président américain qui le reçoit la semaine prochaine. M. Netanyahu a parlé de moment historique, comme quand M. Trump a annoncé la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d'Israël malgré le statut disputé de la ville.

Dans le Golan même, on est moins emphatique. "C'est la cerise sur un gâteau déjà cuit", dit Marla van Meter, 61 ans, qui vit là depuis 35 ans.

- Pas de miracle -

"Je ne connais personne ici qui ne soit pas content", abonde Nadav Katz, ancien libraire de 71 ans, mais ce n'est qu'un "reflet de la réalité", et certainement pas "le miracle de Pourim", la joyeuse fête juive célébrée cette semaine, comme l'a proclamé M. Netanyahu.

Ce n'est pas davantage une raison de rallier la bannière Netanyahu aux élections du 9 avril. "Netanyahu, c'est fini pour moi", dit Mme van Meter, qui se dit "socialiste" avec des priorités socio-économiques.

Quant à M. Katz, il n'a pas encore décidé qui voter et, "croyez-moi, je ne suis pas le seul à ne pas savoir".

L'argument historique ou biblique invoqué par un certain nombre de juifs pour défendre la colonisation en Cisjordanie, territoire palestinien occupé, est bien moins prégnant dans le Golan que la préoccupation sécuritaire par exemple, face à l'ennemi syrien et la menace d'une implantation iranienne vis-à-vis d'Israël.

M. Katz et sa famille sont venus de Jérusalem pour vivre à l'écart des villes comme il serait allé "de Paris à Orléans".

Mme van Meter est venue du Texas pour prendre part à la construction d'une "patrie pour le peuple juif", et vivre le "rêve sioniste". Mais elle défend la recherche de la paix avec les voisins d'Israël, à commencer par les Palestiniens.

Avec les retombées de la guerre en Syrie sur le Golan, ils connaissent l'urgence de courir aux abris en cas d'alerte à la roquette. Ils ont aussi longtemps redouté qu'un règlement diplomatique rende cette partie du Golan à la Syrie et les force à partir.

Donald Trump fait "peur" à Debbie Attoun, 71 ans, sur le Golan depuis 1974, et ce qui compte pour elle plus que ses propos, c'est que le reste d'Israël ait compris "l'importance que nous soyons restés sur le plateau".

À lire aussi

Sélectionné pour vous