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Les stocks de plutonium du Japon, un problème international

Le Japon et les Etats-Unis ont étendu mardi un accord nucléaire bilatéral mais l'archipel est désormais sommé de réduire les stocks de plutonium accumulés au fil des ans dans le cadre d'une politique qui trouve désormais ses limites, selon des experts.

L'accord initial, qui autorise le Japon à retraiter du combustible usé issu de ses centrales nucléaires, avait été validé en 1988 pour une durée de 30 ans.

La prolongation s'accompagne d'une clause qui autorise l'une ou l'autre partie à y mettre fin moyennant un préavis de six mois.

"Nous sommes désormais dans la situation où ce pacte peut être rompu de façon unilatérale. Or, ce texte étant la base de l'existence de l'industrie nucléaire japonaise, il est important que nous fassions des efforts pour effectivement réduire la grande quantité de plutonium que possède le Japon", a déclaré mardi le ministre japonais des Affaires étrangères, Taro Kono, selon les propos rapportés par ses services.

Dans son plus récent plan énergétique adopté il y a quelques jours, le Japon, sous la pression américaine, a fait part de sa volonté de diminuer les stocks de plutonium, ce qu'il n'avait jamais écrit auparavant, mais il n'a pas dressé de plan précis pour ce faire.

"Il faut fixer un objectif clair. Il est temps pour le Japon de revoir son programme de recyclage nucléaire", estime Tatsujiro Suzuki, ex-président de la Commission japonaise de l'énergie atomique.

Pays pauvre en ressources, le Japon s'est donné il y a plus de 40 ans pour objectif de se doter des moyens techniques pour réutiliser du combustible usé.

Mais le programme a depuis l'origine du plomb dans l'aile. Les installations clefs prévues n'ont pas du tout fonctionné comme espéré: le surrégénérateur de Monju est désormais voué au démantèlement alors qu'il n'a jamais été réellement opérationnel et l'usine de retraitement de Rokkasho (nord), mise en chantier en 1993, n'a toujours pas démarré, après plus de 20 reports, en raison de problèmes techniques et du durcissement des normes de sûreté des installations nucléaires.

Or, les paramètres pris en compte à l'époque ne sont plus aussi pertinents aujourd'hui, selon Thomas Countryman, spécialiste américain de la non-prolifération.

"Aujourd'hui, il y a un approvisionnement largement suffisant en uranium et les technologies de recyclage sont extrêmement chères, le Japon doit en avoir conscience", a-t-il insisté récemment dans les colonnes du quotidien Nikkei.

- 6.000 bombes -

Le Japon assure que, conformément aux engagements pris, tout le plutonium qu'il détient est destiné à une réutilisation dans des réacteurs nucléaires. Toutefois, compte tenu de la quantité en sa possession (47 tonnes, dont 10 tonnes sur le sol nippon, 20,8 en Grande-Bretagne et 16,2 en France, où est retraité le combustible japonais), des doutes existent sur les capacités des installations à absorber autant de combustible. Très peu de réacteurs ont été remis en service après l'arrêt total découlant des mesures prises après l'accident de Fukushima en 2011 et quand bien même certaines tranches utilisent du Mox (mélange d'oxydes de plutonium et uranium tiré de combustible retraité), c'est une infime part du total.

L'une des solutions serait de céder à la France et à la Grande-Bretagne le plutonium resté sur leur sol, mais "aucune proposition en ce sens ne nous est parvenue" explique une source française, ce que confirme un fonctionnaire du ministère japonais de l'Industrie cité dans le quotidien Nikkei.

D'aucuns s'inquiètent des risques que ce monceau, qui en théorie permettrait de produire 6.000 bombes atomiques, ne suscite l'intérêt de groupes terroristes ou ne serve de prétexte à la Corée du Nord pour traîner des pieds dans le processus de dénucléarisation sur lequel elle s'est engagée.

De surcroît, Washington aimerait que le Japon joue un rôle exemplaire pour éviter une escalade en Asie.

"Il n'est pas dans l'intérêt du Japon ou des Etats-Unis de voir la Chine ou la Corée du Sud se doter de moyens de retraitement", a insisté M. Countryman devant des parlementaires japonais le mois dernier.

Pourtant, Pékin est déjà bien engagé dans cette voie puisque le groupe nucléaire français Orano (ex-Areva) a annoncé fin juin un accord pour les "travaux préparatoires" d'une usine de traitement et recyclage des combustibles usés en Chine, un projet évalué à plus de 20 milliards d'euros au total dont plus de la moitié pour Orano. Un protocole avait été signé lors de la visite du président français Emmanuel Macron en Chine en janvier. Les négociations durent depuis dix ans et Orano espère conclure le contrat cette année.

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