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Les visiteurs de prison, "une heure de liberté" pour les détenus

Parler de la vie normale fait beaucoup de bien", témoigne Jean: en vingt mois d'incarcération, il n'a eu pour seul contact avec l'extérieur que sa visiteuse de prison, dont le soutien et l'écoute ont contribué à sa réinsertion.

Chaque vendredi matin cet ex-détenu de 66 ans attendait impatiemment Nicole, une ancienne responsable de bijouterie devenue visiteuse de prison depuis sa retraite, pour un rendez-vous d'une heure au parloir avocat de la maison d’arrêt de Sequedin (Nord).

"Je n'avais aucune visite, je me sentais seul et quand on vit à deux dans 9m2, on est contents de sortir prendre l'air", raconte le nordiste. "On parlait de tout et de rien, de ses petits-enfants, du beau temps. Ça fait juste du bien de parler à quelqu'un de l'extérieur."

Mis en place à la demande des détenus, ces entretiens confidentiels leur permettent "de rencontrer une personne de la société civile qui n'appartient pas à la chaîne pénale, avec qui ils peuvent aborder d'autres sujets de discussion que ceux dans lesquels ils baignent toute la journée", explique Paul Marconot, président de l'association nationale des visiteurs de prisons (ANVP).

"On leur offre une heure de liberté intellectuelle", dit-il.

"Je ne côtoyais que des délinquants avec des conversations négatives autour de la drogue, avec Nicole, je m'évadais dans la normalité et ça m'a permis de rester dans le droit chemin", assure Jean.

Depuis sa sortie en 2014, il la retrouve souvent autour d'un café. "Et en ce moment, je fais les peintures chez madame, une façon de lui rendre la pareille", sourit l'ancien mécanicien automobile.

L'une des conséquences de l'incarcération "est la perte de l'estime de soi" et les visiteurs de prison, 1.300 en France, "permettent de renvoyer un miroir positif aux détenus en leur disant +si je vous donne du temps bénévolement, c'est que vous en valez la peine", selon Paul Marconot.

- "Rompre l'isolement" -

"Être visiteur de prison, c'est écouter et aider la personne à s'orienter vers une réflexion positive", pour Étienne Dassonville, visiteur depuis une dizaine d'années dans les établissements pénitentiaires de Sequedin et Annoeulin.

Mais pour cela "il faut être convaincu que la personne n'est pas réductible à son acte et ne jamais juger".

"Quand on se retrouve à deux dans une pièce de 3m2 on essaie de passer un bon moment avec la personne détenue, on l'écoute, on l'encourage, on met en valeur ses atouts", confirme Cédric Boulanger, visiteur.

En vacances, le bénévole envoie souvent des cartes postales aux prisonniers. "J'avais des scrupules de leur dire que je me baignais dans une eau à 28 degrés, mais ils me disent +fais-le, ça nous évade, on voit que tu as pensé à nous+, puis ils accrochent les cartes dans leur cellule", raconte-t-il.

"Nous sommes un lien avec le réel", résume Brigitte Parnaude, visiteuse.

"L'absence de lien social peut entraîner un repli sur soi, le visiteur permet ainsi aux détenus d'exister dans le regard de l'autre, il crée une bulle de paroles qui apporte un soulagement aux personnes isolées", explique aussi Delphine Fournier, directrice pénitentiaire d'insertion et de probation dans les Hauts-de-France.

Pour renforcer l'accompagnement des détenus et favoriser leur sortie de la délinquance, l'administration pénitentiaire et l'ANVP ont lancé une expérimentation en 2016 : des visiteurs interviennent désormais en milieu ouvert.

Par le biais de rencontres régulières dans des lieux publics - bibliothèque, musée, café - les "visiteurs accompagnants" rompent ainsi l'isolement des anciens détenus, dans l'objectif de les aider à réussir leur réinsertion sociale.

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