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Liban: des banques essuient la colère populaire

La colère populaire s'est de nouveau exprimée mercredi contre le secteur bancaire au Liban, pays englué dans une crise économique et une impasse politique sans issue en vue.

Des dizaines de personnes se sont rassemblées mercredi soir devant la Banque centrale dans le quartier de Hamra à Beyrouth.

"A bas le règne de la banque" ou encore "Riad Salamé a provoqué la faillite du Liban", en allusion au gouverneur de la Banque centrale, ont scandé les manifestants alors que les forces de sécurité et l'armée ont imposé de strictes mesures de sécurité dans le secteur.

Mardi soir, la police y avait fait usage de lacrymogènes pour disperser des centaines de manifestants alors que des banques ont été vandalisées.

Armés de pavés ou d'extincteurs, arrachant les panneaux de signalisation pour les utiliser comme bélier, les contestataires s'en étaient pris aux distributeurs et aux vitrines d'établissements dans le même quartier.

Trente-sept personnes ont été blessées et hospitalisées, selon la Croix-Rouge libanaise et dix ont été traitées sur place.

Les forces de sécurité ont annoncé 59 arrestations. Selon des médias locaux et des activistes, une dizaine d'entre eux ont été libérés dans la soirée.

Mercredi soir, des centaines de manifestants se sont également dirigés devant le commissariat de Hélou, un autre secteur de la capitale, où ils ont bloqué la route et scandé des slogans réclamant la libération des détenus, avant que des affrontements n'éclatent entre eux et les forces de sécurité qui ont utilisé des gaz lacrymogènes.

Des médias locaux et des militants ont rapporté que des manifestants, dont au moins un photojournaliste d'une agence de presse étrangère, avaient été blessés, tandis que les forces de sécurité ont arrêté plusieurs protestataires.

Des grenades lacrymogènes sont tombées dans l'enceinte de l'ambassade de Russie, près du commissariat abritant les détenus, a rapporté l'agence de presse nationale, ANI.

Le Liban qui vit depuis octobre au rythme d'une contestation inédite contre une classe dirigeante jugée corrompue et incompétente et les banques, qui ont imposée de sévères restrictions aux déposants, cristallisent une grande partie de la colère.

Mercredi matin, des agents de nettoyage ramassaient les bris de verre devant les banques vandalisées, tentaient d'effacer les graffitis et inspectaient les distributeurs abîmés.

"Le vandalisme n'est pas acceptable, mais je comprends la colère des gens qui sont éreintés", a réagi Alya, devant une banque.

"J'ai un malade à la maison, et je dois payer l'infirmier. Les restrictions qu'ils ont imposées nous rendent la vie impossible", a-t-elle encore commenté.

- "Acte barbare" -

En pleine pénurie du billet vert, utilisé au Liban au même titre que la monnaie nationale, les retraits sont limités à environ un millier de dollars par mois. Il est devenu quasi impossible d'effectuer des virements à l'étranger.

Dans les agences, les clients viennent retirer leur quota et les files d'attente s'allongent, avec des altercations entre clients et guichetiers.

Officiellement, la livre libanaise, indexée au billet vert depuis 1997, garde le même taux fixe de 1.507 livres pour un dollar. Mais, dans les bureaux de change, elle a perdu près de la moitié de sa valeur, grimpant parfois jusqu'à 2.500 livres pour un dollar.

Le Premier ministre sortant Saad Hariri, mais aussi le chef du Parlement Nabih Berri, ont fustigé un vandalisme "inacceptable". L’association des banques du Liban a dénoncé des actes "barbares".

Les épargnants accusent les banques de prendre leur argent en otage et d'avoir permis aux politiciens et hauts fonctionnaires d'effectuer des virements à l'étranger.

La Banque centrale a annoncé qu'elle enquêtait sur des fuites de capitaux. Elle a aussi indiqué qu'elle voulait unifier et apporter une "couverture légale" aux restrictions draconiennes des banques.

"Nous venons dire non aux politiques financières, qui nous volent depuis des années et qui n'affectent que les petits déposants", explique Youmna Mroué, 22 ans, qui manifeste mercredi soir devant la Banque centrale.

"Nous sommes aujourd'hui dans un état d'effondrement, ce qui s'est passé la veille (actes de vandalisme contre les banques) est le résultat d'une vraie colère et une vraie douleur chez les gens", souligne-t-elle.

- "Chaos dangereux" -

Après un essoufflement qui a coïncidé avec les fêtes de fin d'année, les manifestations populaires ont repris depuis samedi.

Mercredi, des rassemblements ont eu lieu à Beyrouth mais aussi à Tripoli (nord) et à Nabatiyé (sud) notamment.

La situation est compliquée par l'impasse politique: depuis la démission fin octobre de Saad Hariri, son gouvernement, chargé des affaires courantes, est accusé d'inertie.

Hassan Diab, désigné comme son successeur le 19 décembre, n'est toujours pas parvenu à former son gouvernement, que la rue veut composé de technocrates indépendants, alors que les principaux partis politiques cherchent à préserver leur représentation.

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