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Liban: 2e semaine de mobilisation générale, le président déçoit à son tour

Le président libanais Michel Aoun s'est adressé jeudi pour la première fois au pays quasiment paralysé depuis une semaine par une contestation inédite, opposant une fin de non-recevoir à la principale revendication réclamant le départ de l'ensemble de la classe politique.

Dans un discours à la nation, M. Aoun a proposé de rencontrer des "représentants" des manifestants, sans faire d'autres annonces concrètes pour tenter de calmer la rue, la mobilisation prenant des allures de soulèvement général.

Son adresse a été accueillie avec déception et colère par les foules qui l'écoutaient en direct sur les lieux de rassemblement. "Nous ne nous contenterons pas de mots creux!", s'est exclamé une manifestante.

Après une nouvelle nuit de rassemblements géants et festifs dans plusieurs villes du Liban, des barricades dressées par les manifestants étaient toujours présentes aux entrées de Beyrouth.

Des tentes ont même été installées au beau milieu des voies pour bien signifier aux forces de sécurité stationnées juste à côté qu'il n'était pas question de bouger.

Banques, écoles et universités sont restées fermées, prolongeant la paralysie quasi-totale du pays. Des médecins regrettent sur les réseaux sociaux ne pas pouvoir se rendre à leur travail et la crainte d'une pénurie de billets aux distributeurs automatiques commence à monter.

- "Qu'il s'en aille" -

"Je suis prêt à rencontrer vos représentants (...) pour entendre vos demandes", a dit M. Aoun, alors qu'aucune figure représentative du mouvement de contestation qui a pris les autorités totalement de court, n'a encore émergé.

"J'ai entendu beaucoup d'appels à la chute du régime. Mais le régime, chers jeunes, ne peut être changé sur la place publique", a-t-il ajouté.

"Le peuple veut la chute du régime!", est l'un des slogans phares du Printemps arabe repris en choeur par les Libanais depuis le début de la contestation le 17 octobre, déclenchée par l'annonce d'une taxe sur les appels via la messagerie WhatsApp, aussitôt annulée.

L'impôt de trop qui a fait exploser la colère dans un pays où des besoins élémentaires, comme l'eau, l'électricité et l'accès universel aux soins, ne sont pas assurés 30 ans après la fin de la guerre civile (1975-1990). Sans oublier la classe politique inchangée depuis des décennies et jugée corrompue et incapable de trouver des solutions.

M. Aoun a laissé entrevoir un remaniement ministériel en assurant qu'il "est devenu nécessaire de revoir la situation du gouvernement". Mais il a aussi apporté son appui au plan de réformes économiques annoncé lundi par le Premier ministre Saad Hariri, largement rejeté par les manifestants.

Le président ne semble pas non plus avoir convaincu.

"Son discours n'a rien apporté et ne mène nulle part. Nous voulons qu'il s'en aille et que cette ère prenne fin", a affirmé à l'AFP Jad al-Hajj, un étudiant en génie mécanique qui manifeste depuis plusieurs jours à Beyrouth.

"Ils doivent tous s'en aller, tous veut dire tous et le président en fait partie. Nous resterons dans la rue", a-t-il ajouté.

- "Yeux tournés vers l'armée" -

L'impasse dans laquelle se trouve le pays place désormais en première ligne l'armée, sans doute la seule institution encore unanimement respectée au Liban.

Des soldats ont fait leur apparition en masse mercredi dans les rues, mais les scènes de fraternisation avec la foule se sont multipliées.

Malgré une ambiance restée largement festive, des incidents ont été signalés dans certaines villes. A Nabatiyé, dans le sud à majorité chiite, une quinzaine de manifestants ont été blessés mercredi soir lors de heurts avec la police soutenue, selon des témoins, par des partisans du Hezbollah et de son allié Amal.

Dans le Mont-Liban, une région à majorité chrétienne à l'est de Beyrouth, des manifestants ont affirmé avoir été attaqués par des militants armés du parti du Courant patriotique libre fondé par Michel Aoun.

"Tous les yeux sont tournés vers l'armée", a titré jeudi le quotidien en langue anglaise The Daily Star.

Selon le journal, le commandement de l'armée aurait refusé dès le premier jour de manifestations une intervention par la force réclamée par le pouvoir politique.

Classé au 138 rang sur 175 dans le classement de l'ONG Transparency International des pays les plus corrompus, le Liban, faute de réformes structurelles promises, est toujours dans l'attente du versement d'une aide de 11 milliards de dollars promise en avril par des pays donateurs.

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