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Liban: la Banque mondiale exhorte à la formation "urgente" d'un nouveau gouvernement

La Banque mondiale a appelé mercredi le Liban à former un nouveau gouvernement dans les plus brefs délais, au 21e jour d'un mouvement de contestation inédit contre la classe politique.

Depuis le 17 octobre, le Liban connaît une contestation populaire contre sa classe dirigeante jugée corrompue et incompétente, sur fond de grave crise économique.

Le mouvement, qui a mobilisé des centaines de milliers de Libanais, toutes communautés confondues, a entraîné la démission le 29 octobre du Premier ministre Saad Hariri, mais la formation d'un nouveau gouvernement se fait attendre.

"La formation rapide d'un gouvernement correspondant aux attentes de tous les Libanais est désormais l'étape la plus urgente", a affirmé la Banque mondiale (BM) à l'issue d'une réunion d'une délégation avec le président Michel Aoun.

En cas d'impasse persistante, la moitié de la population pourrait sombrer dans la pauvreté et le chômage "augmenter fortement", a averti la BM dans un communiqué. Selon elle, environ un tiers des Libanais vit déjà sous le seuil de pauvreté.

L'institution met en garde contre une "récession plus grave" encore, "en raison des pressions économiques et financières croissantes" --l'institution prévoit déjà une croissance négative de 0,2% pour 2019.

Mercredi, la contestation ne s'est pas essoufflée: sur la place des Martyrs, dans le centre de Beyrouth, des milliers de personnes tenant des chandelles et tapant sur des casseroles se sont rassemblées pour une manifestation féministe.

"Pouvoir patriarcal, le droit des femmes c'est pas un détail, allez, allez, le changement!", a scandé la foule.

Leila Sayegh, qui refuse en riant de donner son âge, dit être venue parce que "la femme au Liban est marginalisée" mais aussi pour "réclamer des droits pour nos enfants, pour leur avenir".

"On est venu de manière pacifique faire du bruit, c'est notre manière de leur dire +ça suffit, on n'en peut plus+", ajoute-t-elle, sa voix assourdie par le tintamarre des casseroles.

Ailleurs dans la capitale, des échauffourées ont éclaté entre forces de l'ordre et manifestants qui se sont approchés d'un projet immobilier en construction sur le bord de mer à Beyrouth. Les contestataires dénoncent un projet illégal qui comme d'autres porte atteinte aux côtes du pays, considérées comme des biens publics.

- Corruption -

Mercredi, le chef de l'Etat a une fois encore assuré que le prochain gouvernement inclurait des "ministres compétents et à l'abri de tout soupçon de corruption", selon le compte Twitter de la présidence.

Michel Aoun a ajouté que 17 dossiers de corruption faisaient désormais l'objet d'enquêtes judiciaires, d'après la présidence.

Mercredi, le procureur financier Ali Ibrahim a engagé des poursuites pour blanchiment d'argent et échange de pots-de-vin contre un responsable de l'aéroport de Beyrouth, selon l'Agence nationale d'information (ANI).

Il a aussi invité l'ancien Premier ministre Fouad Siniora à se présenter le 14 novembre à son bureau pour l'écouter concernant 11 milliards de dollars de dépenses, effectuées entre 2006 et 2008 quand il était à la tête du gouvernement. Par le passé M. Siniora s'est défendu de tout détournement de fonds publics.

Des poursuites ont récemment été engagées contre l'ancien Premier ministre Najib Mikati et la Banque Audi pour enrichissement illicite, et visé l'ancien ministre Fayez Chokr pour "négligence dans l'exercice de ses fonctions".

Le Liban est classé 138e sur 180 en matière de corruption par l'ONG Transparency.

- "Perte de confiance" -

Les Libanais sont aussi exaspérés par l'absence de services publics dignes de ce nom, avec notamment de graves pénuries d'eau et d'électricité et une gestion archaïque des déchets.

A Beyrouth, des manifestants se sont réunis devant le ministère des Finances et devant le siège de l'Electricité du Liban (EDL), considérée comme l'ultime symbole de la décrépitude des services de base.

Des centaines d'élèves et d'étudiants ont battu le pavé dans tout le pays durant toute la journée. A Saïda et Nabatiyeh (sud), les étudiants de l'Université libanaise ont campé sur place, appelant les autorités à consolider un enseignement public fragilisé.

A Jounieh, au nord de la capitale, des élèves se sont rassemblés dans la cour de la principale école publique, rejoints par d'autres manifestants, après avoir été interdits par leur direction de quitter l'établissement, selon des médias locaux.

Le Liban croule sous une dette de 86 milliards de dollars, soit 150% du PIB, l'un des ratios les plus élevés au monde.

Mardi l'agence Moody's a abaissé la note du Liban de "Caa1" à "Caa2", un niveau associé à une forte probabilité de rééchelonnement de la dette.

"Le vaste mouvement de contestation sociale, la démission du gouvernement et la perte de confiance des investisseurs ont de nouveau affaibli le modèle de financement du Liban", a averti Moody's.

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