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Limoges fait le forcing pour rester sur la carte judiciaire

La cour d'appel de Poitiers ou celle de Limoges ? Convaincus que l'une de ces deux juridictions de Nouvelle-Aquitaine va être rayée de la carte judiciaire, les avocats limougeauds proposent à la Chancellerie de faire au contraire de leur ville un exemple de modernisation de la justice.

"Nous ne sommes pas idiots, nous avons faits nos calculs", explique à l'AFP le bâtonnier Abel-Henri Pleinevert, qui mène la bataille avant que la garde des Sceaux Nicole Belloubet ne présente prochainement son projet pour rationaliser le maillon territorial de la justice.

"Dans ces dernières annonces, dit-il, la ministre promet le maintien de 17 cours de plein exercice. Une fois que vous avez retranché les 13 chefs-lieux des nouvelles régions, les cours de Paris, Versailles et Nice qui bénéficieront vraisemblablement d’un traitement à part, il ne reste qu’une place.

Sachant que Nicole Belloubet a indiqué que la Nouvelle Aquitaine était, en tant que très vaste région, une prétendante naturelle au maintien de deux cours, nous savons désormais que nous sommes en concurrence avec Poitiers".

Sous le silence bienveillant des magistrats limougeauds tenus au devoir de réserve, il a réuni autour de lui un groupe qui s'est baptisé "Les 14 furieux" et qui depuis trois mois, a bâti une contre-proposition argumentée.

"Nos députés nous ont dit, soyez force de proposition, c’est ainsi que cela marche dans la République Macron, c’est ce que nous avons fait", résume Me Richard Doudet, l'un des 14.

- 'Délestage'-

Premier argument, Limoges est l'une des villes de France où l'immobilier est le moins coûteux alors que "l’Etat prétend faire des économies en concentrant les fonctionnaires dans les zone urbaines saturées et chères, faisant exploser les frais de fonctionnement de la justice et baisser de 15% le pouvoir d’achat des fonctionnaires", dit Me Doudet.

Ensuite, Limoges "a une position centrale au cœur de la France. Avec la disparition des cours de Riom et Bourges, le périmètre entre Orléans et Toulouse sera bientôt une zone blanche pour le justiciable, quand le maintien de Limoges en plein centre pourrait, par sa position pivot, permettre une forme d’équité territoriale", affirme-t-il.

Et puis les 14 misent sur l'intérêt affiché par Emmanuel Macron pour l'innovation en milieu rural, en proposant de devenir "pilotes de la justice de demain en matière de numérisation", maillon manquant entre les grandes métropoles et l'hyper-ruralité, ajoute le bâtonnier Pleinevert.

Et d'avancer deux autre projets : que Limoges devienne "une cour de délestage". "Ici, nous traitons les appels en 10 mois quand il en faut au moins 24 à Bordeaux (...). Aussi proposons-nous, sur la base du volontariat des justiciables, d’accueillir et de juger ici des affaires qui viennent en surplus afin d’accélérer le délai de traitement et de soulager Bordeaux".

Enfin, Limoges veut s'appuyer sur le budget national dédié à la numérisation de la justice, qui sera déployé sur cinq ans par le ministère. "500 millions d’euros ont été annoncés, qui serviront notamment à conduire des expérimentations pilotes pur la justice de demain, avec comme perspective de rapprocher le justiciable de son service grâce au numérique. Nous y candidatons très officiellement", dit Me Doudet.

L'ordre a déjà écrit à toutes les communes hyper-rurales de l’ex-région Limousin pour leur proposer d’instaurer une connexion directe entre la mairie du village et l’ordre des avocats. "Le but est d'offrir des consultations de droit via webcam quasiment en temps réel et sans se déplacer", précise Abel-Henri Pleinevert.

En deux jours la semaine dernière, 150 maires ont déjà répondu favorablement à cette proposition, signe pour Richard Doudet que "le choix de la proximité correspond manifestement aux vrais besoins de nos concitoyens".

Pour maintenir la pression, un collectif "J’aime le Limousin" a envoyé plus de 17.000 cartes postales à la Chancellerie pour le maintien de la Cour d’Appel de Limoges.

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