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Mai 68, une "révolution inachevée pour les femmes", pour Joëlle Brunerie-Kauffmann

"En 68, la parole s'est libérée d'un coup. On a dit: +nous les filles, on a le droit de faire l'amour+". Étudiante en médecine à Paris, Joëlle Brunerie-Kauffmann avait 25 ans lors de cette "révolution inachevée pour les femmes".

Née en 1943 dans une famille catholique en Bretagne et scolarisée chez les Ursulines avant d'entamer ses études de médecine à Nantes, Joëlle Brunerie-Kauffmann est arrivée en 1966 à Paris pour s'y spécialiser en gynécologie médicale.

"J'avais été élevée avec l'idée qu'on ne remet pas en cause l'autorité du père", témoigne-t-elle auprès de l'AFP. Mais, chez elle comme chez d'autres femmes, "la révolte grondait avant mai 68 contre la domination masculine", estime-t-elle, décrivant les événements du printemps comme "un catalyseur".

Son engagement, "médical avant d'être féministe", est né lorsqu'elle a découvert à l'hôpital pendant ses études les ravages que faisaient les avortements clandestins, certaines femmes arrivant avec des infections ou hémorragies, y laissant parfois leur vie.

A son arrivée à Paris, elle a commencé à militer au Planning familial, faisant des séances d'informations pour étudiants. "C'était assez révolutionnaire à l'époque", car la contraception n'a été autorisée par la loi qu'en décembre 1967, et est ensuite restée "très mal vue".

A la fac de médecine, où les professeurs étaient tous des hommes, la contraception n'était pas abordée pendant les cours. "On ne faisait pas l'amour, parce qu'il fallait rester vierge pour se marier, et qu'on avait peur d'être enceinte. Il y avait une liberté sexuelle, mais pour les hommes".

"Il y avait une chape de plomb. On ne pouvait pas parler de certains sujets". Lorsque les événements de mai 68 ont éclaté, "la parole s'est libérée tout d'un coup. On a dit: +nous les filles, on a le droit de faire l'amour+".

Mme Brunerie-Kauffmann garde en mémoire les "groupes de parole" à la Sorbonne, au théâtre de l'Odéon occupé, à la faculté de médecine à Saint-Germain des prés, "les garçons et filles assis par terre, la fumée, les discussions". Les uns ne voulaient "plus de patrons", les étudiants en médecine ne voulaient "plus de mandarins", ces professeurs qu'ils empêchaient de faire cours.

"On a découvert d'autres luttes. Dans les manifestations on discutait avec des employés, des ouvriers de leurs conditions de travail. Chacun n'était plus dans sa petite case".

Pour les femmes, c'était "une révolution inachevée. On a gagné le droit à avoir une sexualité, mais il y avait d'autres combats à mener", souligne Mme Brunerie-Kauffmann.

Elle signa en 1973 le manifeste des 331 médecins revendiquant avoir pratiqué des avortements clandestins, deux ans avant la loi Veil légalisant l'Interruption volontaire de grossesse (IVG).

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