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Marib, oasis de stabilité dans le Yémen en guerre

Dans les rues de Marib, le bruit des marteaux-piqueurs a remplacé ceux de la guerre. Cette ville yéménite riche en pétrole est aujourd'hui une rare oasis de stabilité dans un pays déchiré par les conflits.

Le Yémen subit la pire crise humanitaire au monde, conséquence d'un conflit meurtrier opposant le gouvernement du président Abd Rabbo Mansour Hadi, appuyé par l'Arabie saoudite, aux rebelles Houthis, soutenus par l'Iran.

Mais Marib, autrefois considérée comme un bastion d'Al-Qaïda, a été relativement épargnée grâce à ses réserves de pétrole et de gaz, sa proximité avec l'Arabie saoudite et la rare cohésion tribale qui a contribué à repousser les incursions des Houthis.

"Nous avons réussi à éloigner la guerre de Marib", affirme à l'AFP le gouverneur provincial, Sultan al-Arada.

Située à l'est de la capitale Sanaa, la ville est aujourd'hui la plus florissante du Yémen, en partie grâce à l'afflux de centaines de milliers de déplacés, parmi lesquels des entrepreneurs et des médecins.

Des centaines d'entreprises ont vu le jour et les chantiers de construction se multiplient, offrant aux jeunes des perspectives d'emploi inespérées dans un pays où le chômage est endémique.

"Le développement spectaculaire de Marib n'est pas arrivée malgré, mais en raison du conflit", analyse Farea al-Muslimi, spécialiste du Yémen au centre de réflexion Chatham House de Londres. "Marib a su tirer profit du chaos qui l'entoure", estime-t-il.

La gouvernance locale a été renforcée par l'affaiblissement du gouvernement central, exilé dans la ville portuaire d'Aden (sud) où les séparatistes du sud contestent son autorité.

- 'Opportunités' -

Parmi les hommes d'affaires de retour figure Obaid Zubaiyen, chef d'une entreprise familiale de commerce et de construction ayant des intérêts dans le Golfe, qui avait fui le pays en 2011.

"La famille est de retour parce que Marib est synonyme d'opportunités", explique Misbah Ohag, manager au sein du groupe, en montrant à l'AFP les plans d'un projet de plusieurs millions de dollars pour la construction de villas, d'appartements et de centres commerciaux.

Le gouverneur Arada prévoit de construire un aéroport international et voudrait attirer les touristes à Marib, notamment pour visiter les ruines d'un temple du royaume de Saba.

Mais dans la province, les cicatrices de la guerre restent visibles. Les Houthis ont disséminé des milliers de mines autour de la ville et des carcasses de voitures jonchent ses contreforts montagneux.

Dans un centre de réhabilitation pour enfants soldats, des dessins témoignent des ravages de la guerre. L'un d'eux représente une grenade, un char et des taches de sang. "Ils ont fait exploser mon école", lit-on dans la légende.

"Tant de personnes tuées et amputées", déplore Mohammed Abdo al-Qubati, directeur de l'hôpital général de Marib, qui abrite le seul centre de prothèses fonctionnelles sur le territoire contrôlé par le gouvernement.

Même si Marib a profité du dynamisme et des connaissances de certains déplacés, leur nombre commence à mettre ses ressources à rude épreuve, selon des responsables. Ils seraient 1,5 million à vivre désormais dans cette ville qui comptait 350.000 habitants avant la guerre.

- 'Tragédie' -

Les rebelles Houthis ont assiégé Marib pendant des mois en 2015 après avoir capturé la capitale Sanaa. Les tribus locales soutenues par la coalition dirigée par Ryad ont toutefois réussi à les repousser.

Le gouverneur Arada, l'un des chefs tribaux les plus influents de la région, a réussi à convaincre d'autres dignitaires de tribus de prêter allégeance au gouvernement Hadi.

Marib fait toutefois face à la menace constante de tirs de roquettes Houthis. L'année dernière, une attaque a tué six enfants lors des festivités de l'Aïd, affirme M. Arada.

Bien que relativement préservées dans leur ville, les familles de Marib paient un tribut à cette guerre qui a fait plus de 9.000 morts.

Pour aller voir à Sanaa son fils journaliste Tawfiq, emprisonné par les Houthis, Amina al-Ayashi, 55 ans doit emprunter une route où s'enchaînent les checkpoints.

"(Les rebelles) nous fouillent de façon humiliante. Nous apportons des vêtements, du pain, des légumes, mais ils refusent...", dit-elle.

Morsal Haidara, professeur d'anglais à l'université de Marib - qui a rouvert en 2016 après des mois de combats compare ce qui se passe au Yémen à une "tragédie" fratricide digne d'une pièce de Shakespeare.

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