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Mercy, Sophia, Newman... Ces bébés de l'espoir nés en Méditerranée

Comme Mercy, qui sera chantée par le duo français "Madame Monsieur" samedi à l'Eurovision, 35 bébés sont nés ces dernières années sur les navires de secours aux migrants, autant de petits miracles qui n'effacent en rien la dureté du destin de ces familles.

Ils s'appellent Mercy, Francesca, Newman, Diabam, Sophia ou Idriss Ibrahim... Et tous ont en commun d'avoir vu le jour sur l'un des navires secourant les migrants au large de la Libye, selon un décompte de l'AFP auprès de tous ces acteurs.

"Normalement, on essaie d'évacuer la mère pour qu'elle accouche à terre, parce qu'à bord il n'y a rien pour faire face à d'éventuelles complications", raconte à l'AFP le docteur Giulia Marinig.

Le 3 octobre 2016, cette toute jeune médecin dépêchée par l'Ordre de Malte à bord du Dattilo, navire des garde-côtes italiens qui venait de secourir un millier de migrants, a examiné une femme prise de contractions.

"A peine le temps de réaliser, 45 minutes plus tard, son petit garçon était né", se souvient-elle. Pendant que le navire fait route vers l'Italie, une autre femme accouche d'une petite fille, et une troisième d'un petit garçon à l'arrivée au port.

Et même si les mères sont allongées par terre et les bébés dans des caisses en plastique, ces naissances apportent une lueur d'espoir à ces deux journées sombres marquées par le sauvetage difficile de plus de 10.500 migrants et la découverte d'une cinquantaine de cadavres.


Une simple question de probabilités 

Pour les secouristes et les équipages, ces naissances sont une expérience si forte que l'Union européenne a re-baptisé son opération navale anti-passeurs Sophia, en hommage à une petite Somalienne née en août 2015 sur un navire allemand.

Mais si le stress, les vibrations des moteurs ou le soulagement du secours peuvent favoriser ces accouchements, leur fréquence résulte avant tout d'une simple question de probabilités.

Depuis 2014, près de 80.000 femmes sont arrivées par la mer en Italie, sans compter les adolescentes. La plupart sont jeunes, et beaucoup enceintes, même s'il n'existe pas de statistiques en la matière.


Les femmes "doivent vendre leur corps pour pouvoir monter sur les canots"

"J'ai rencontré de nombreuses femmes qui avaient été violées en Libye. Souvent aussi elles doivent vendre leur corps pour pouvoir monter sur les canots", explique Marina Kojima, sage-femme japonaise qui a passé plusieurs mois sur l'Aquarius, navire humanitaire affrété par SOS Méditerranée et Médecins sans frontières.

Le jour des trois accouchements sur le Dattilo, il y avait à bord près de 30 autres femmes enceintes d'au moins 7 mois, relève ainsi le Dr Marinig. Et nombre de femmes arrivent aussi avec dans les bras un tout petit bébé né dans un centre de détention en Libye.

Pour ces femmes, la grossesse rend encore plus difficile le périple à travers le désert et l'enfer libyen, et l'accouchement en mer peut devenir un véritable cauchemar.


Des enfants considérés comme nés sur le sol 

"Il y avait beaucoup de monde dans le canot, nous étions tous assis vraiment serrés. Et la douleur était trop forte", se souvient Stéphanie, une Nigériane qui a donné naissance à Francesca -- en l'honneur du pape -- peu après son sauvetage en mai 2015 par la marine italienne.

Selon le droit maritime, les enfants sont considérés comme nés sur le sol du pays dont le navire bat pavillon: l'Italie pour Francesca, l'Allemagne pour Sophia, le Royaume-Uni pour Mercy... Autant de pays où le droit du sol est trop restreint, voire inexistant, pour leur valoir un passeport européen.

A leur arrivée en Italie, leur naissance insolite ne leur donne donc droit à aucun traitement de faveur et ils se perdent souvent dans la masse.


En Sicile, le plus grand centre d'accueil d'Europe

Mercy et sa mère ont ainsi été conduites dans le centre d'accueil de Mineo, en Sicile, le plus grand d'Europe. Longtemps miné par les détournement de fonds et les trafics en tous genres, il héberge encore près de 3.000 personnes qui attendent parfois des années une réponse à leur demande d'asile.

La petite Francesca, mais aussi Newman ou encore Favor, tous deux nés sur l'Aquarius en 2016, ont eu plus de chance: leurs parents ont été accueillis dans des petites structures qui leur ont donné accès à un soutien juridique pour leurs papiers, des cours d'italien, une formation, un logement indépendant.

Sur les conseils des marins allemands, la mère de Sophia a pour sa part continué sa route et obtenu l'asile en Allemagne.

Tous n'ont qu'un espoir: que leurs enfants aillent à l'école et fassent des études pour que leur vie soit moins difficile que ne l'a été leur naissance.

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