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Militante zélée de l'EI ou victime naïve, le sort d'une jeune femme en suspens

Hoda Muthana dit avoir été manipulée par les jihadistes en Syrie et souhaite rentrer aux Etats-Unis pour "payer ses dettes" mais sa nationalité américaine est contestée par le gouvernement qui refuse d'accueillir cette "revenante" de 24 ans.

Les rares photos d'elle montrent une jeune femme souriante au teint mat et aux grands yeux marron, la chevelure cachée sous un voile islamique, portant dans ses bras son fils de 18 mois.

Hoda Muthana est née le 28 octobre 1994 dans le New Jersey, selon l'organisation Counter Extremism Project, avant de s'installer avec sa famille à Hoover, une banlieue cossue de Birmingham, dans l'Alabama. Ses parents, originaires du Yémen, ont été naturalisés américains avant la naissance de leurs trois enfants, dont Hoda, la plus jeune.

Jordan LaPorta, un de ses camarades de lycée entre 2009 et 2013, évoque à l'AFP une élève "polie, gentille et sage".

Son avocat, Hassan Shibly, raconte à l'AFP une enfance "dans un milieu très protégé" et une mère stricte qui "a vraiment limité son accès à ses amis".

L'adolescente n'a droit à un téléphone portable qu'après le lycée et s'évade alors sur les réseaux sociaux, où la propagande jihadiste prospère.

- Propagande active -

C'est sur internet qu'elle rencontre des recruteurs du groupe Etat islamique (EI) qui "lui ont vraiment accordé beaucoup d'attention", dit M. Shibly, membre du Conseil des relations américano-islamiques (CAIR) basé en Floride.

Elle aurait été victime d'un "lavage de cerveau" et les jihadistes l'auraient "coupée de ses amis, de sa famille, de sa communauté, de sa mosquée", ajoute-t-il.

En 2014, elle est étudiante à l'Université d'Alabama quand elle rejoint en secret, via la Turquie, le "califat" ultra-rigoriste et ultra-violent établi en Syrie et en Irak.

Elle sera successivement mariée à trois combattants de l'EI, tous tués.

Selon le Counter Extremism Project, Hoda Muthana participe activement à la propagande de l'EI sous le pseudonyme de "Oum Jihad".

Elle appelle notamment à "faire couler le sang américain" et félicite les auteurs de l'attentat de janvier 2015 contre Charlie Hebdo, qui fait 12 morts.

"Je tire mon chapeau aux moudj de Paris", affirme un message sur son compte Twitter aujourd'hui suspendu, en référence aux "moujahidines" (combattants du Jihad).

Elle a aujourd'hui "honte de ces messages", assure Hassan Shibly, expliquant qu'ils avaient été diffusés "peu de temps après la mort de son premier mari" alors qu'elle n'avait "pas vraiment le contrôle de son compte".

A cette époque, la coalition internationale menée par Washington a débuté la contre-offensive contre le "califat". L'EI a depuis perdu Mossoul (Irak) puis Raqqa, son fief en Syrie, et le groupe est désormais acculé dans un demi-kilomètre carré dans un village de l'Est syrien.

- "Une grave erreur" -

Hoda Muthana s'est rendue en janvier aux forces kurdes et est détenue dans un camp de réfugiés. Elle souhaite rentrer aux Etats-Unis, affirmant qu'elle a fait "une grave erreur" en croyant à l'idéologie jihadiste.

"Je suis juste un être humain normal qui a été manipulé une fois et, j'espère, plus jamais", a-t-elle expliqué sur ABC News.

"En tant que citoyenne américaine", elle est prête à affronter la justice pour "payer ses dettes", assure son avocat.

"L'Amérique est mon pays et celui de mes enfants", avait assuré son père, Mohammed Muthana, interrogé par le site d'information BuzzFeed News en 2015.

Mais Washington refuse catégoriquement son retour.

"C'est une terroriste, elle ne revient pas", a lancé jeudi le secrétaire d'Etat Mike Pompeo.

"Elle est peut-être née ici, mais elle n'est pas citoyenne américaine et n'a pas droit à la citoyenneté", a-t-il dit, invoquant l'ancien statut diplomatique de son père.

Les enfants de diplomates nés aux Etats-Unis pendant qu'il y sont en poste n'acquièrent pas automatiquement la nationalité américaine.

Mais, selon l'avocat de la famille, son père a quitté son poste de diplomate à l'ONU un mois avant la naissance de Hoda et celle-ci avait "un passeport valide" quand elle est partie en Syrie.

"On ne peut pas arriver au point où nous privons tout simplement de nationalité ceux qui ont violé la loi. Ce n'est pas ça, l'Amérique", affirme-t-il.

Et puis, a-t-il suggéré jeudi sur Fox News, elle "pourrait avoir des informations de grande valeur" sur les jihadistes.

Le père de la jeune femme, Ahmed Ali Muthana, a saisi jeudi un tribunal, espérant obtenir une injonction d'un juge affirmant la citoyenneté américaine de sa fille.

"Hoda Muthana est née dans le New Jersey en 1994, plusieurs mois après que son père eut cessé d'être diplomate. Elle est citoyenne américaine", avait assuré mercredi à l'AFP l'avocat de la jeune femme, Hassan Shilby.

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