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Mondial-2018: la Russie se prépare entre deux crises diplomatiques

A un mois de la Coupe du monde (14 juin-15 juillet), un climat très lourd de confrontation Est-Ouest pèse sur les ultimes préparatifs de la compétition, dont la Russie compte bien profiter pour revendiquer son statut de grande puissance.

Si le choix de la Russie pour organiser le Mondial-2018 avait suscité quelques controverses en décembre 2010, c'est encore plus le cas maintenant. En huit ans, la Russie s'est écharpé avec les Occidentaux sur la Syrie et l'Ukraine, s'est retrouvée au centre d'un gigantesque scandale de dopage et d'une vague historique d'expulsions croisées de diplomates liées à l'empoisonnement de l'ex-espion Sergueï Skripal en Angleterre.

Alors que Vladimir Poutine, au pouvoir depuis 2000, entame son quatrième mandat présidentiel à la tête de la Russie, la confiance semble définitivement rompue entre les pays occidentaux et Moscou, qui revendique son retour au premier rang de la scène internationale.

Mais en dépit des scandales qui ont convaincu les autorités britanniques et islandaises de snober l'événement, la Russie ne revivra pas l'expérience traumatisante des jeux Olympiques de 1980 à Moscou, quand plus de 50 pays avaient purement et simplement boycotté l'évènement organisé par l'URSS.

Quant à Vladimir Poutine, quatre ans après les Jeux d'hiver de Sotchi, il aura une nouvelle occasion d'utiliser le sport comme instrument de "soft power" afin de promouvoir la Russie.

- Développement économique -

A J-30, la Fifa n'est pas inquiète. Les stades comme les infrastructures sont prêts, au prix d'efforts financiers conséquents. Moscou a dépensé environ 10 milliards d'euros pour organiser l'évènement, offrant à la plupart des onze villes-hôtes leurs premiers programmes de rénovation urbaine depuis la chute de l'URSS.

Les aéroports ont été agrandis ou rebâtis. Des hôtels ont été construits dans des villes que les touristes étrangers visitent rarement. Et des stades modernes sont sortis de terre, dont l'usage après la compétition reste pour plusieurs très incertain.

L'héritage de la Coupe du monde sera étudié de près. Si les JO de Sotchi ont été un succès, leur coût exorbitant de près 50 milliards d'euros laisse un goût mitigé. Moderne et dynamique, la station balnéaire russe a retrouvé son lustre d'antan mais beaucoup d'hôtels sont aujourd'hui inoccupés ou à l'abandon.

La Russie des villes moyennes, éloignée des flux touristiques et des deux capitales que sont Moscou et Saint-Pétersbourg, profitera-t-elle du Mondial pour commencer à pleinement exploiter son potentiel économique ?

- Quel accueil ? -

Les fans de football se soucient peu de ces considérations géopolitiques, plus préoccupés par d'éventuels problèmes de violence, l'ambiance dans les villes-hôtes ou les moyens d'accès au stade.

Sur place, ils découvriront que la Russie est, réellement, très grande. Si les organisateurs n'ont choisi que des villes situées dans la partie européenne du pays, 2.500 kilomètres séparent tout de même Kaliningrad, à l'ouest, de Ekatérinbourg à l'est: la même distance qu'entre Paris et Moscou.

Si la sécurité est un autre motif d'inquiétude, les services de sécurité russes ont multiplié les opérations visant les hooligans les plus violents, surveillés de très près depuis des mois et dont la liberté de mouvement sera sérieusement restreinte.

Alexei Smertin, le référent de la lutte contre les discriminations et le racisme pour le Mondial-2018, a de son côté passé toute une année à faire de la prévention et tenter de réduire les incidents racistes en marge du football.

Il a appelé en avril, après les cris de singe entendus lors de plusieurs matchs en Russie, à "interdire l'accès au stade des supporters qui enfreignent la loi".

- Objectif improbable -

"Vous travaillez pour faire de cette Coupe du monde la meilleure Coupe du monde de l'histoire": les félicitations du président de la Fifa Gianni Infantino, la semaine dernière à Sotchi, ont sûrement fait plaisir à Vladimir Poutine.

Mais le président russe, qui n'est pas un amateur de football, a peu de chance de célébrer une victoire russe sur le terrain. La "Sbornaïa" n'a gagné aucun de ses cinq derniers matchs amicaux et débutera la compétition à l'avant-dernière place du classement Fifa parmi les équipes qualifiées.

L'objectif officiel est d'atteindre les quarts de finale mais même se qualifier pour le second tour sera plus compliqué que prévu: l'Arabie saoudite est une adversaire abordable mais il faudra aussi dominer l'Uruguay de Luis Suarez et Edinson Cavani, et l'Egypte, portée par l'émergence de Mohamed Salah.

Voilà bien le problème du sélectionneur Stanislav Cherchesov, qui n'a aucun joueur de classe mondiale sous la main.

Vladimir Poutine ne s'est pas risqué au jeu des pronostics. "Nous espérons tous que nos joueurs seront impliqués, qu'ils donneront tout ce qu'ils ont, a-t-il déclaré à Sotchi. Et le plus important, ils doivent montrer un football intransigeant, sans compromis, le football que les fans adorent".

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