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Mondial de rugby: la troisième vie de James O'Connor

"Golden boy", puis "bad boy" et désormais "zen boy": banni pendant six ans pour des frasques à répétition, le trois-quarts australien James O'Connor est redevenu un élément majeur des Wallabies, juste à temps pour la Coupe du monde.

"Non, je ne pensais pas que je rejouerais un jour pour l'Australie. Je le voulais, mais je ne croyais pas que cela puisse être une réalité." C'est pourtant bien le polo vert et or que James O'Connor (29 ans) porte dans un hôtel de Tokyo où les Wallabies se préparent à affronter le Pays de Galles dimanche pour sa 50e sélection.

Le total est resté bloqué à 44 pendant six longues années: en 2013, au lendemain d'une victoire sur l'Argentine à Perth (14-13), O'Connor, en état d'ivresse, est refoulé d'un avion. C'est le scandale de trop pour la Fédération australienne (ARU), qui déchire son contrat.

- "Jus du matin" -

Forcé d'aller voir ailleurs, l'arrière polyvalent - ouvreur, ailier, centre ou arrière - s'exporte en Europe, aux London Irish puis à Toulon (2015-2017). Mais ses démons le suivent outre-mer. Arrêté en compagnie du Néo-Zélandais Ali Williams pour possession et usage de cocaïne lors d'une nuit parisienne, il devient aussi un paria en France. L'une des raisons de cette dérive: une blessure à sa cheville gauche mal soignée.

"Je suis arrivé à un point où je ne m'entraînais plus qu'une fois par semaine et où je m'injectais un anesthésique local juste pour être en mesure de tenir ma place sur le terrain", expliquera-t-il plus tard.

Retour en Angleterre, à Sale où les Sharks lui donnent une autre chance en 2017. Sa cheville enfin guérie, le phénix renaît de ses cendres grâce à une méthode de préparation, Saviour World, dont il ne cesse de vanter les bienfaits. Fini l'alcool et place au "jus du matin" (citron, vinaigre de cidre, eau) et aux courses sur la plage avec d'énormes pierres dans les mains. Le camp d'entraînement en Islande, où l'Australien pratique "la privation sensorielle", "l'épuisement dû à la chaleur" et la "méditation profonde", est une révélation.

En septembre 2018, à son retour de l'île nordique, O'Connor fait ce serment. "J'ai appris de mes erreurs et je suis maintenant prêt. Prêt à saigner vert et or. (...) J'ai le regard fixé vers la Coupe du monde", déclare-t-il plein d'assurance. "C'est l'heure de briller!"

- "Flexible" -

Pari gagnant pour l'ancien prodige du rugby australien, qui était devenu à 17 ans le plus jeune joueur du Super Rugby et à 18 le second plus jeune international australien de l'histoire. Il s'en est fallu de peu: pour être retenu dans l'équipe de Michael Cheika, O'Connor a signé un contrat avec les Queensland Reds... quatre jours avant le début du Rugby Championship qui servait de préparation en vue du Japon.

Rupture de la rate à 16 ans qui aurait pu le tuer, dépression, problèmes de dépendance et opérations à la cheville sont derrière lui. Le survivant vit son deuxième Mondial (après 2011) avec la sérénité de celui qui, comme le dit le troisième ligne David Pocock, a "parcouru un assez long chemin". "Je veux juste m'ouvrir, prendre du plaisir et jouer", assure O'Connor dans un costume de vieux sage tout neuf pour lui.

Apaisé et disponible, le "nouveau James O'Connor" fait du bien aux Wallabies, souligne l'entraîneur de l'attaque Shaun Berne qui a découvert un joueur "flexible". "Il a juste l'envie de s'adapter à n'importe quel rôle que je lui donne". Son évolution personnelle en a amené une autre sur le terrain, avec un repositionnement au centre de la ligne de trois-quarts.

"Il avait été exceptionnel en 2011, l'un des meilleurs joueurs mais il était alors ailier, un peu plus explosif et avec un peu plus d'espace balle en main", se souvient Will Genia. "Maintenant, en jouant 13 (deuxième centre), il sait non seulement courir avec le ballon mais aussi le faire jouer. (...) Il communique, organise et défend bien également", souligne le demi de mêlée.

Et séduit toujours, classé parmi les trois joueurs les plus attractifs du Mondial par une télévision japonaise. Mais O'Connor, "flatté", trouve qu'il a "beaucoup trop de cicatrices partout sur le visage" pour une carrière de mannequin. Mais... qui sait ce qui attend encore le phénix.

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