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Mondial de rugby: Lafaele, la bonne passe pour le Japon

Il brille avec ses mains et le Japon se frotte les siennes: le centre Timothy Lafaele, spécialiste du jeu après contact, se révèle tardivement à la Coupe du monde et sera très attendu contre son pays d'origine, les Samoa, samedi à Toyota.

Son bijou de chistera après contact, en tombant, restera "le" geste du match d'ouverture face à la Russie (30-10). Et sa passe sur un pas celui de l'exploit face à l'Irlande (19-12) samedi à Shizuoka. Car ces deux transmissions à l'aveugle furent non seulement spectaculaires, mais surtout diablement efficaces pour libérer des espaces et envoyer à l'essai les ailiers Kotaro Matsushima et Kenki Fukuoka.

Et voici le Japon en tête de la poule A, plus que jamais en route vers un quart de finale inédit avant d'affronter les Samoa, pays d'origine de Lafaele. "Cela va être un match spécial, spécial pour ma famille," chuchote en anglais le trois-quarts devant une presse japonaise forcée de traduire sa réponse.

- "Un rêve d'enfant" -

Peu loquace devant les médias, Lafaele est plus à l'aise sur Twitter où il clame son amour pour son pays d'adoption: cela va d'habiller son chien, un Shiba Inu - une race japonaise -, du maillot des Brave Blossoms à féliciter Naomi Osaka pour sa finale à l'US Open 2018. Comme ses coéquipiers venus de l'étranger (Michael Leitch, Luke Thompson, Pieter Labuschagne, Ji-won Koo...) qui composent la moitié du groupe japonais, il est reconnaissant.

"Quand un rêve d'enfant devient réalité", écrit-il à la veille de disputer, à un âge avancé pour un professionnel (28 ans), son premier match de Coupe du monde face à la Russie.

"Ce pays m'a donné cette opportunité, j'ai la chance de pouvoir lui donner en retour", dit Lafaele pour qui "rien n'a changé" depuis qu'il a crevé l'écran.

Le N.13 vient pourtant de loin: formé en Nouvelle-Zélande où il a joué avec un certain Richie Mo'unga, l'actuel ouvreur des All Blacks, il ne parvient pas à percer. Et décide à 18 ans de s'exiler au Japon, où l'université Yamanashi Gakuin lui offre une bourse, pour "découvrir une nouvelle culture et continuer le rugby. Ce fut une bonne décision", sourit-il.

L'ancien élève du De La Salle College, à Auckland, a pris son temps, c'est sûr. Il n'a découvert la modeste Top League qu'à 23 ans, fin 2014, avec les Coca Cola Red Sparks qui luttent dans le bas de tableau. Et début 2018, il fréquente même la deuxième division!

- Prototype de Tony Brown -

Heureusement, le Japon lui offre sur le tard, à partir de 2016, une carrière internationale --il compte désormais 20 sélections--, et les Sunwolves un tremplin vers le Super Rugby. Il franchit enfin un cap grâce à l'entraîneur Tony Brown. L'ancien ouvreur des All Blacks "raffole des plans de jeu pour les arrières capables de créer en partant de rien", explique Rich Freeman, journaliste à l'agence Kyodo News. "Lafaele est le joueur parfait dans son plan de jeu."

Scott Hansen, autre entraîneur néo-zélandais présent dans les deux formations, souligne aussi les progrès sans ballon du second centre, longtemps blessé cette saison. "Timothy est plus confiant en défense et depuis qu'il est revenu, il mène très bien la défense grâce à une bonne lecture du ballon", dit l'entraîneur de la défense.

Lafaele (1,86 m, 96 kg) est donc aussi un travailleur de l'ombre. "Il fait beaucoup de choses invisibles", estime Freeman. "Il organise la défense parfois, a un bon pied gauche et peut donc de temps en temps +nettoyer la ligne+. Et rien que ses angles de course... ce n'est peut-être pas le joueur le plus +flashy+, mais il crée de l'espace."

Poli sur le tard, Lafaele rejoindra après le Mondial les Kobelco Steelers où l'attendent d'autres anciennes gloires des All Blacks, le directeur du rugby Wayne Smith ou les joueurs Andy Ellis et Dan Carter... A Kobe, il jouera enfin le haut de tableau du championnat japonais. Il n'est jamais trop tard.

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