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Mondiaux d'athlétisme: Mariya Lasitskene, sauter de ses propres ailes

Immense favorite pour remporter un troisième titre mondial à Doha lundi, la sauteuse en hauteur russe Mariya Lasitskene cache selon ses proches un océan de gentillesse derrière son masque de concentration et la colère qu'elle voue à sa fédération, empêtrée dans les affaires de dopage.

21 juillet 2016: à quelques jours des Jeux de Rio, le Tribunal arbitral du sport (TAS) confirme la suspension de l'athlétisme russe suite à la révélation d'un vaste scandale de dopage institutionnel. Le rêve olympique de Mariya Lasitskene, favorite des Jeux, se brise en mille morceaux.

La fragilité, la grande et élégante brune (1,82 m, 60 kg) connaît cela depuis des années qu'elle saute avec classe par dessus des barres à l'équilibre précaire. Cet épisode marque un tournant dans sa vie et sa carrière.

"Lorsque nous avons appris la nouvelle, nous étions en pleine compétition, raconte à l'AFP Gennady Gabrilyan, l'entraîneur de la double championne du monde (2015 et 2017). Vingt minutes après, Mariya a sauté 2 mètres: elle voulait tellement prouver qu'elle était plus forte que les filles qui iraient aux JO."

"Nous étions effondrés. En tant qu'entraîneur, j'ai juré de l'amener sur la première marche du podium des Jeux. Je lui ai dit que j'étais désolé de ne pas avoir pu la protéger. Mais personne ne s'est jamais excusé auprès de moi ou de Mariya. Je ne pardonnerai jamais aux responsables."

- Haine féroce -

Les responsables? La Fédération russe est alors impliquée dans un vaste scandale de corruption avec l'état major de la Fédération internationale (IAAF) et coupable d'organiser tout un système de dopage. Lasitskene et son coach, qui s'entraînent hors du système fédéral, mettent eux en avant leur parcours sans tâche, malgré les nombreux contrôles subis par l'athlète.

Depuis mai 2017, Lasitskene est d'ailleurs autorisée à recourir en tant qu'athlète neutre car jugée irréprochable par l'IAAF, mais elle voue une haine féroce aux responsables de sa fédération, toujours suspendue et encore mise en cause dans une affaire de dopage en juin 2019.

"Je n'ai pas l'intention de rater les JO pour la deuxième fois d'affilée à cause de quelques personnes étranges qui ne savent pas faire leur travail honnêtement, a récemment posté sur son compte Instagram la seule tête d'affiche russe à prendre si ouvertement position. J'espère que les gens impliqués dans cette honte sans fin auront finalement le courage de partir."

- "Un ange" -

L'histoire singulière de Mariya, qui s'appelle alors Kuchina (elle se marie en mars 2017 avec le journaliste lituanien Vladas Lasitskas), débute dans sa petite ville de Prokhladny, dans la région de Kabardino-Balkarie à une centaine de kilomètres de la Géorgie.

Gennady Gabrilyan est alors son professeur d'éducation physique et repère son talent lorsqu'elle a 9 ans.

"Macha (le diminutif de Mariya) avait d'excellentes qualités de mouvement et de coordination. Elle était très attentive aux consignes et respectueuse."

"En fait, c'est paradoxal, mais malgré le succès rien n'a changé et je rêve que cela continue le plus longtemps possible, qu'elle garde son âme d'enfant. Je suis le gardien de ces valeurs", raconte cet homme trapu et discret à la poignée de main franche, qui l'entraîne toujours.

"Mariya est un ange, assure sa manager Olga Nazrova, comme pour contrer certaines critiques qui la trouvent trop concentrée et peu souriante pendant les compétitions. Les gens disent parfois qu'elle a des ailes dans le dos qui l'aident à sauter haut", continue-t-elle pour filer la métaphore, relevant la finesse et la grâce de la technique de saut de sa protégée.

Avec une progression constante, Lasitskene s'est affirmée comme la patronne incontestable de sa discipline: double championne d'Europe, elle a égalé cette année son record personnel (2,06 m), tout proche du record du monde de la Bulgare Stefka Kostadinova (2,09 m).

Depuis 2017, elle est quasiment imbattable (44 victoires en 46 concours).

Immense favorite pour se succéder à Doha, elle vise surtout les Jeux olympiques de Tokyo en 2020, pour effacer l'affront et s'envoler définitivement.

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