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Mossoul, Alep, Palmyre ressuscitent en 3D le temps d'une expo à Paris

Un champ de ruines à perte de vue projeté sur un mur, sur lequel colonnes et façades se redressent, restituant un brillant passé ravagé par les conflits: par le miracle de la 3D, de Mossoul à Alep, les "cités millénaires" ressuscitent à l'Institut du monde arabe (IMA) à Paris.

Cette exposition "Cités millénaires" est "un manifeste", explique à l'AFP Aurélie Clemente-Ruiz, commissaire de cette exposition numérique qui ouvre ses portes mercredi et jusqu'au 10 février. Un "manifeste" pour transmettre l'histoire.

Après "Chrétiens d'Orient: deux mille ans d'histoire" il y a un an, l'IMA livre cette nouvelle exposition dont l'objectif est de transmettre ce qui existait avant les guerres civiles et le "califat" autoproclamé de l'Etat islamique. Alors que beaucoup de ces trésors de la civilisation sont détruits à jamais.

L'IMA a retenu deux sites urbains -- Alep en Syrie et Mossoul en Irak -- et deux sites archéologiques -- Palmyre en Syrie et Leptis Magna en Libye -- pour un voyage en 3D qu'on peut effectuer aussi en immersion, casque sur la tête.

L'exposition s'appuie sur le savoir-faire d'Iconem, start-up fondée il y a cinq ans, qui contribue dans 25 pays à la conservation des sites en les numérisant. Elle se targue de posséder la collection digitale la plus fournie de sites archéologiques du Proche Orient.

"C'est de l'archéologie contemporaine, c'est de l'histoire", se félicite auprès de l'AFP Yves Ubelmann, son président, en relevant qu'Iconem mène également une collaboration à distance jusque dans le Yémen en guerre. Il s'agit de "constituer une mémoire digitale précise pour les générations futures".

"A Alep, nous y sommes allés juste après la bataille, avant qu'on ne commence à nettoyer la ville. Il fallait garder les empreintes de la destruction", décrit-il. Un chantier 3D, financé par Iconem et réalisé en collaboration de la Direction générale des antiquités et des musées de Syrie.

- Au-delà du "choc visuel" -

A Palmyre, l'expédition a été menée "quelques jours après" le départ de l'Etat islamique: "Dans le musée, les œuvres étaient encore répandues par terre, avant qu'il ne soit vidé", dit-il.

A Mossoul, l'intervention s'est faite à la demande de l'Unesco quelques semaines après la libération de la ville.

A Leptis Magna, site classé par l'Unesco en 2013, "l'imagerie 3D a permis d'avoir une vision très précise en quelques jours", poursuit Yves Ubelmann, dont la société travaille sur d'autres sites oubliés, menacés aussi par le réchauffement climatique ou simplement l'abandon.

De tous côtés, dans les espaces étroits de l'IMA, des projections géantes saisissent le visiteur, montrant l'avant et l'après du souk et de la mosquée des Omeyyades d'Alep, de la mosquée al-Nouri et de l'église Notre-Dame de l'Heure de Mossoul, ou encore du temple de Baalshamin spectaculairement détruit à Palmyre par l'EI dans un acte de propagande.

Sur le site libyen de Leptis Magna, en bord de mer, largement épargné par le conflit civil, c'est notamment l'amphithéâtre romain construit sous l'empereur Septime Sévère dans ce qui était "la Rome de l'Afrique" qui est reconstitué.

A l'ère de l'image immédiate et émotionnelle, "on joue certes sur le choc des images, mais on veut en même temps permettre leur conceptualisation, en dépassant le seul choc visuel", insiste Mme Clemente-Ruiz, qui souligne le rôle des tables de documentation qui accompagnent ces projections en boucle, en livrant les dates, les repères, la compréhension de ces lieux.

Par la 3D, par d'anciennes photos, le visiteur est amené à comprendre "tout le tissu urbain: le patrimoine bâti, mais aussi le patrimoine immatériel", souligne la commissaire. A Mossoul notamment, relève-t-elle, l'EI "a détruit des monuments mais aussi la cohésion sociale, le multiculturalisme."

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