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Nicaragua: vers un dialogue après six jours de chaos et 34 morts

Le Nicaragua revenait à un calme relatif mercredi dans l'attente d'un dialogue national sous l'égide de l'Eglise, après six jours de manifestations et de heurts qui ont fait 34 morts, suscitant l'inquiétude de la communauté internationale.

Suspendus depuis jeudi dernier, les cours ont repris dans la matinée dans les écoles du pays.

Mardi, l'archevêque de Managua, Leopoldo Brenes, a accepté de servir de "médiateur et témoin" du dialogue, en insistant pour que le gouvernement "évite tout acte de violence".

Le président Daniel Ortega, ex-guérillero de 72 ans confronté à une vague de colère sans précédent depuis son arrivée au pouvoir il y a 11 ans, a joué l'apaisement en libérant des dizaines d'étudiants arrêtés lors des manifestations et en levant la censure appliquée à une télévision locale.

Il a aussi cédé à la pression de la communauté internationale, inquiète du zèle des forces de l'ordre : l'Union européenne, les Etats-Unis et le Vatican ont critiqué la force excessive utilisée par la police. L'ONU a même dit soupçonner de possibles "exécutions illégales".

Le nouveau bilan des victimes, communiqué mercredi par le Centre nicaraguayen des droits de l'homme (Cenidh), fait état de 34 morts, en majorité des étudiants, mais aussi deux policiers et un caméraman abattu en plein reportage.

Le nombre de décès pourrait monter dans les prochaines heures alors que 66 blessés sont à l'hôpital dont 12 "en état grave et en soins intensifs" et que 16 personnes sont toujours portées disparues, a précisé Marcos Carmona, représentant de l'ONG.

"Nous condamnons la violence utilisée par la police et ses groupes paramilitaires contre les jeunes (qui manifestaient) pour une cause juste", a-t-il déclaré. "Ils tiraient avec des snipers. La majorité des morts ont été touchés à la tête, au cou et au thorax", a-t-il affirmé. "Ces décès doivent faire l'objet d'une enquête et les responsables doivent être poursuivis".

- "Reconstruire la démocratie" -

Déclenchée par des étudiants contestant une réforme des retraites qui augmentait les cotisations et réduisait le montant des pensions, la vague de colère s'est rapidement propagée à l'ensemble de la population, qui a continué à défiler même après l'abandon de la réforme dimanche. En toile de fond, un mécontentent général face aux dures conditions de vie et à la confiscation du pouvoir par Daniel Ortega, déjà à la tête du pays de 1979 à 1990 et revenu en 2007.

Après six jours de mobilisations, heurts avec la police, pillages et incendies, les rues semblaient avoir retrouvé leur calme mercredi, avec les bouchons typiques des journées de travail. Mais certains habitants redoutaient encore un regain de tension.

"Nous allons voir combien de temps dure ce calme. Je ne vais pas envoyer ma fille à l'école car cela ne me semble pas stable", a confié à l'AFP Alan Saavedra, chauffeur de taxi à Managua.

Cibles des manifestants, qui exigent désormais leur départ, le président Ortega et sa femme Rosario Murillo, vice-présidente, ont remercié l'Eglise d'avoir accepté de participer au dialogue, mais mercredi ni les détails ni les participants à ces discussions n'étaient connus.

Président du puissant Conseil supérieur des entreprises privées (Cosep), José Aguerri a estimé dans un entretien à l'AFP que les conditions étaient maintenant favorables à un dialogue, en l'absence d'actes de répression depuis dimanche. "Le Nicaragua va être plus démocratique" à l'issue de ce dialogue, pour lequel le Cosep avait fixé comme conditions "qu'il y ait une liberté d'expression, une liberté de mobilisation, une libération des personnes interpellées".

"Tout cela est réuni, maintenant nous attendons que la Conférence épiscopale prenne la décision" de lancer le dialogue, à laquelle devront participer tous les secteurs de la société, a souligné le chef d'entreprise.

Pour montrer qu'il n'a pas totalement perdu le soutien de la population le Front sandiniste au pouvoir a convoqué jeudi une manifestation de soutien au gouvernement.

L'Eglise catholique appelle aussi à défiler samedi "pour montrer notre foi et notre amour du Nicaragua", a annoncé sur Twitter l'évêque adjoint de Managua, Silvio Báez. Dur critique du gouvernement, il a estimé que "le chemin est ouvert pour construire de façon pacifique et civique un nouveau pays (...). L'heure est venue de reconstruire la démocratie! Il est temps que le Nicaragua redevienne une république!"

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