Accueil Actu

Nouvelle loi antiterroriste: le Conseil constitutionnel valide les mesures les plus contestées

Le Conseil constitutionnel a validé jeudi les principales mesures de la nouvelle loi antiterroriste, en vigueur depuis le 1er novembre, au grand dam de la Ligue des droits de l'Homme (LDH) qui a dénoncé "un recul des libertés fondamentales".

"C'est une décision très décevante", a réagi auprès de l'AFP l'avocat de la LDH, Patrice Spinosi. "On passe d'un régime d'exception à un régime pérenne: le Conseil constitutionnel valide l'introduction dans le droit commun de toutes les mesures les plus significatives de l'état d'urgence. Cela marque un net recul des libertés fondamentales", a-t-il critiqué.

L'état d'urgence avait été instauré dans une France sous le choc, au lendemain des attentats du 13 novembre 2015 à Paris et Saint-Denis. La loi antiterroriste, qui lui a succédé, a été adoptée à une large majorité au Parlement. Le président Emmanuel Macron n'a pas demandé au Conseil constitutionnel de contrôler le texte et c'est par le biais de questions prioritaires de constitutionnalité (QPC), déposées par des citoyens et des associations, que cet examen s'est effectué.

Les recours, déposés par la LDH et un Français assigné à résidence à Grenoble, visaient les premiers articles de la loi, les "mesures les plus saillantes", selon Me Spinosi. Le Conseil constitutionnel a validé dans leur ensemble les textes attaqués, avec une seule censure visant une disposition concernant les perquisitions, et quelques "réserves".

Cette décision intervient alors que la droite et l'extrême droite viennent de critiquer le gouvernement pour avoir mis fin à l'état d'urgence, après la double attaque jihadiste dans l'Aude qui a fait quatre morts.

La première QPC visait les "périmètres de protection", qui visent à "assurer la sécurité d'événements ou de lieux particulièrement exposés". Dans ces zones, le préfet peut autoriser des inspections des bagages, des fouilles de véhicules et des palpations de sécurité par des agents de sécurité privés.

Sur ce point, le Conseil constitutionnel a émis trois "réserves d'interprétation". Les Sages expliquent que cette mesure ne doit pas aboutir à des pratiques discriminatoires. "Mais la réalité pratique montre que vous avez un risque six fois plus important lorsque vous êtes noir et huit fois plus important lorsque vous êtes typé arabe de vous faire contrôler que lorsque vous êtes typé caucasien", selon l'avocat de la LDH.

- "Un arsenal répressif" -

A l'audience, le 20 mars, Me Spinosi avait critiqué la possibilité de renouveler "sans limite" les périmètres de protection, citant l'exemple de la gare Lille-Europe, où c'est en vigueur depuis le 1er novembre. Pour les Sages, le renouvellement du périmètre de protection "ne saurait être décidé par le préfet sans que celui-ci établisse la persistance du risque".

Le Conseil constitutionnel valide la disposition permettant au préfet de "fermer provisoirement des lieux de culte pour prévenir la commission d'acte de terrorisme". La loi assure un équilibre "entre d'une part l'objectif de prévention des atteintes à l'ordre public et d'autre part la liberté de conscience et le libre exercice des cultes", jugent les Sages, qui mettent en avant "l'existence de plusieurs garanties".

Un recours visait également "les visites et saisies", qui étaient appelées "perquisitions administratives" sous l'état d'urgence. Le Conseil constitutionnel valide la disposition mais censure les saisies de "documents" et d'"objets", jugeant que "le législateur n'a fixé aucune règle encadrant l'exploitation, la conservation et la restitution des documents et objets saisis au cours de la visite".

Cela ne concerne pas en revanche les saisies numériques, qui ont été encadrées et pourront se poursuivre. Mais selon Me Spinosi, les "visites et saisies" n'ont été utilisées que quatre fois depuis l'entrée en vigueur de la loi.

Enfin, une QPC concernait les "mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance", qui ont succédé aux assignations à résidence en vigueur sous l'état d'urgence. Mais cet article avait déjà fait l'objet d'un recours en février. La disposition avait été recadrée, avec un renforcement du contrôle des juges administratifs sur les assignations à résidence.

"Les lois qui viennent d'être validées resteront et un gouvernement qui serait moins soucieux des libertés individuelles que celui qui est au pouvoir, trouvera un arsenal répressif", a déploré Me Spinosi.

À lire aussi

Sélectionné pour vous