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Nucléaire nord-coréen: Séoul met en garde contre l'excès d'optimisme

Le président sud-coréen Moon Jae-in a mis en garde mercredi contre tout excès d'optimisme sur l'offre de Pyongyang de discuter avec Washington de sa dénucléarisation, saluée par Donald Trump mais accueillie avec scepticisme dans son administation.

Le président américain, qui échange depuis son élection les insultes et les menaces apocalyptiques avec le leader nord-coréen Kim Jong Un, s'est félicité du rebondissement spectaculaire selon lequel Pyongyang serait disposé à parler de la question longtemps absolument taboue de son arsenal nucléaire.

Cette annonce faite par Séoul s'inscrit dans le cadre de la remarquable détente qui s'est amorcée sur la péninsule depuis le début de l'année à la faveur des jeux Olympiques d'hiver de Pyeongchang, après deux années de très fortes tensions liées au programme nucléaire et balistique de Pyongyang.

MM. Moon et Kim participeront fin avril à un sommet intercoréen historique, a annoncé mardi le conseiller du président sud-coréen Chung Eui-yong à son retour d'une mission au Nord.

Après s'être longuement entretenu lundi avec Kim Jong Un, M. Chung a assuré que le leader nord-coréen était désormais prêt à bouger sur ce dossier sensible "si les menaces militaires contre le Nord disparaissent et si la sécurité de son régime est garantie".

"Nous ne sommes que sur la ligne de départ et il est trop tôt pour être optimistes", a néanmoins estimé mercredi M. Moon.

- "Plutôt sceptique" -

"Les discussions intercoréennes ne seront pas suffisantes pour parvenir à la paix", a encore averti ce partisan du dialogue, en insistant en même temps sur l'importance de la coopération militaire avec Washington.

Il ne s'agira que du troisième sommet intercoréen après ceux de 2000 et 2007 à Pyongyang.

"Il n'y aura pas de cadeau au Nord", a encore assuré M. Moon.

Interrogé sur ce rebondissement après des mois d'escalade qui ont fait redouter un affrontement armé, M. Trump a jugé mardi que les déclarations venues du Sud comme du Nord étaient "très positives".

"Ce serait bien pour le monde, bien pour la Corée du Nord, bien pour la péninsule, mais nous verrons ce qui va se passer", a-t-il ajouté, jugeant "sincère" l'offre de dialogue formulée par Pyongyang. A qui faut-il attribuer cette évolution? "Moi!", a-t-il répondu en conférence de presse dans un sourire.

Les responsables de son administration n'ont cependant pas dissimulé leurs réserves face à un pays qui a toujours présenté son arsenal nucléaire comme non négociable.

"Je suis plutôt sceptique", a ainsi déclaré le chef des services de renseignement américain Dan Coats.

"C'est peut-être une avancée. J'en doute fortement. Comme je l'ai dit, il y a toujours un espoir", a-t-il lancé lors d'une audition devant la Commission des armées du Sénat.

"Nous sommes ouverts. Nous sommes impatients d'avoir des précisions. Mais les Nord-Coréens ont nourri notre scepticisme, donc nous sommes un peu prudents dans notre optimisme", a résumé un haut responsable de la Maison Blanche sous couvert d'anonymat.

- "Accords de Munich" -

Le secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres a appelé toutes les parties à saisir l'opportunité de ces discussions pour avancer "vers une paix durable et la dénucléarisation".

Même son de cloche du côté de Pékin qui a demandé aux deux Corées de "saisir" cette chance.

Le gouvernement japonais a indiqué que Tokyo n'avait pas varié dans sa politique consistant à exercer "la pression maximale" sur la Corée du Nord pour la contraindre de renoncer au nucléaire.

En Corée du sud, les avis sont très partagés et beaucoup doutent de la sincérité de Pyongyang.

"Il y a des points positifs dans cet accord", estime le quotidien conservateur Chosun Ilbo dans un éditorial. "Cependant, un point d'interrogation demeure sur le fait de savoir si le Nord est véritablement prêt à négocier une renonciation à son arsenal nucléaire".

Le Nord n'avait-il pas promis une dénucléarisation "vérifiable, irréversible et complète" dans un accord conclu en 2005, ce qui ne l'a pas empêché un an plus tard de réaliser son premier essai nucléaire, a rappelé le journal.

Hong Joon-pyo, chef de file du Parti de la liberté de Corée, principal mouvement de l'opposition conservatrice, a comparé l'accord intercoréen aux accords de Munich qui avaient vu en 1938 Paris et Londres accepter l'annexion par l'Allemagne nazie de la région alors tchécoslovaque des Sudètes.

"Seuls les imbéciles se font avoir deux fois", a ajouté M. Hong sur sa page Facebook.

Quant aux médias officiels nord-coréens, ils ne faisaient mercredi aucune référence à cette annonce.

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