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Octogénaire tuée à Paris: deux inculpations pour homicide à caractère antisémite

Deux hommes ont été inculpés pour "homicide volontaire" à caractère antisémite et écroués après le meurtre à Paris d'une femme juive de 85 ans, qui suscite en France une vive émotion dans la communauté juive et au-delà.

Placés en détention provisoire, les deux suspects ont été mis en examen pour homicide volontaire en raison de "l'appartenance vraie ou supposée de la victime à une religion" et "vol aggravé", a détaillé mardi une source judiciaire.

L'un d'eux, né en 1989, était un voisin de Mireille Knoll et avait l'habitude de lui rendre visite; l'autre est un ami de ce dernier, un jeune homme de 21 ans, sans domicile fixe.

"Ce qui était terrible, c'est que l'un des auteurs disait à l'autre: +C'est une juive, elle doit avoir de l'argent+", a précisé le ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb, devant l'Assemblée nationale.

Soulignant que "pas moins de 33 faits antisémites ont été commis" depuis le début de l'année, M. Collomb s'est dit déterminé à "mener les actions nécessaires pour faire reculer" l'antisémitisme. "Ce cancer ne doit pas ronger notre pays", a-t-il martelé.

D'après des sources proches de l'enquête, les enquêteurs privilégient la piste d'un vol ayant ciblé l'octogénaire, qui vivait pourtant très modestement, avant de virer au meurtre pour des raisons qui restent à éclaircir.

Le corps de Mireille Knoll a été retrouvé en partie carbonisé vendredi soir dans son appartement du XIe arrondissement, dans le nord de Paris, où elle vivait seule. Les enquêteurs y ont découvert plusieurs départs de feu, puis les traces sur son corps de "onze coups" de couteau, selon M. Collomb.

Le caractère antisémite a été retenu notamment au vu des déclarations des deux suspects.

Le voisin de Mireille Knoll connaissait la religion de cette dernière. Par ailleurs, en garde à vue, son complice présumé l'a accusé d'avoir crié "Allah Akbar" en commettant les faits, d'après une des sources proches de l'enquête. Les deux suspects ont toutefois livré des versions contradictoires sur le déroulé des faits.

"Elle avait réussi à échapper aux nazis, mais les islamistes l'ont rattrapée", a déclaré à l'AFP Noa Goldfarb, petite-fille de la victime.

Née à Paris en décembre 1932, Mireille Knoll avait échappé de justesse dix ans plus tard à la plus grande rafle de juifs en France durant la Seconde guerre mondiale en s'enfuyant de Paris avec sa mère.

Plus de 13.000 personnes, dont près d'un tiers d'enfants, avaient été arrêtées par la police française lors de la rafle du Vel d'Hiv en juillet 1942 pour être déportées conformément aux demandes des nazis.

- 'Marche blanche' mercredi -

"J'exprime mon émotion devant le crime épouvantable commis contre Mme Knoll. Je réaffirme ma détermination absolue à lutter contre l'antisémitisme", a réagi sur Twitter le président Emmanuel Macron.

"Ignoble", "abject", "abominable" : la classe politique a unanimement condamné ce meurtre. "Les juifs ne sont pas en sécurité en France", a relevé mardi Malek Boutih, ancien député socialiste et ex-président de SOS Racisme, tandis que Laurent Wauquiez, président des Républicains (droite), a appelé "chacun" à ouvrir "enfin les yeux" et que Marine Le Pen, présidente du parti d'extrême droite Front national, dénonçait "un acte barbare".

La famille de la victime sera reçue mercredi par le Premier ministre Edouard Philippe et une "marche blanche" à la mémoire de Mme Knoll se tiendra en fin d'après-midi à l'initiative des grandes organisations juives.

Tous les partis politiques y participeront, à l'exception du Front national, dont la venue "n'est pas souhaitée" par les organisateurs.

Ce nouveau drame réveille le souvenir du meurtre en avril 2017 d'une femme juive de 65 ans, Sarah Halimi, tuée à Paris par un voisin aux cris d'"Allah Akbar". La juge d'instruction en charge de cette enquête avait mis près d'un an, au terme d'un bras de fer judiciaire, à retenir le caractère antisémite.

Le nombre d'actes antisémites reste à un niveau élevé et la communauté juive de France, qui représente moins de 1% de la population, est la cible d'un tiers des actes haineux recensés dans le pays.

Depuis 2006 et l'assassinat d'Ilan Halimi, onze personnes ont été tuées en France parce que juives, selon les responsables communautaires. "Cette succession de meurtres nous rappelle que la communauté juive est la cible privilégiée de ceux qui haïssent la République et ses valeurs", a dit le président du Consistoire israélite, Joël Mergui.

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