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Pakistan : l'élection ou jamais pour l'éternel opposant Imran Khan

Portant beau le survêtement, des poids aux chevilles, Imran Khan s'assied posément dans un fauteuil et annonce son moment politique à venir : après des années dans l'ombre, l'ex-champion de cricket pense qu'il peut remporter les élections législatives prévues cette année.

M. Khan, 65 ans et un physique de jeune homme, surfe sur une lame de fond, moquant la vénalité de ses adversaires alors que ceux-ci se font épingler pour prévarication. Lui-même promet la fin de la corruption qui paralyse le Pakistan s'il parvient au pouvoir.

Souvent comparé à Donald Trump pour son flair populiste et ses tirades sur Twitter, il leur préfère l'espoir américain Bernie Sanders ou le leader de l'opposition britannique Jeremy Corbyn.

"C'est une comparaison ridicule", soupire-t-il à propos du président américain lors d'un entretien avec l'AFP, accordé dans sa maison perchée sur des collines en bordure d'Islamabad.

Une éventuelle rencontre avec Trump serait une "pilule amère" à avaler, poursuit-il, mais Khan se dit prêt à travailler avec lui pour mettre fin à la "folie" qui règne en Afghanistan, pays voisin meurtri par 38 années de conflit.

"Cette guerre ne s'arrêtera que par la discussion", "la solution, ce n'est pas plus de bombes et de fusils", observe-t-il, alors que les Etats-Unis ont nettement accru leur offensive aérienne dans l'est afghan, espérant forcer talibans et jihadistes de l'Etat islamique à s'asseoir ensuite à la table des négociations.

Connu en Occident comme un ancien sportif d'exception aux nombreuses conquêtes, Imran Khan présente un visage plus conservateur au Pakistan, où il se veut dévot musulman.

Pour ses très nombreux partisans, M. Khan est incorruptible et généreux, lui qui a passé des années après sa retraite sportive à construire des hôpitaux et une université.

"Il mérite une chance", affirme Shahid, un ingénieur de 26 ans, qui qualifie ses adversaires politiques de "sangsues".

- 'Prendre des coups' -

Pendant longtemps, son parti, le Tehreek-e-Insaf - ou PTI, qui signifie "Mouvement pour la justice au Pakistan" - a pourtant longtemps dû se contenter de quelques sièges au Parlement.

"Le sport vous apprend que la vie n'est pas une ligne droite, commente-t-il. Vous prenez des coups. Vous apprenez de vos erreurs."

L'année 2012 voit sa popularité exploser, portée par les millions de Pakistanais l'ayant idolâtré, plus jeunes, alors qu'il brillait dans les stades de cricket. Les classes moyennes, fatiguées de la corruption endémique, se sont elles aussi retrouvées dans ses slogans.

Mais le PTI, qui a ravi en 2013 la province du Khyber Pakhtunkhwa (KP), dans le Nord-Ouest, était insuffisamment préparé pour exercer le pouvoir, reconnaît-il.

La mise en œuvre des réformes, axées sur la santé et l'éducation et la professionnalisation de la police y a été lente, critique Rahimullah Yusufzai, un journaliste en vue de Peshawar, la capitale du KP.

Le PTI "est là depuis quatre ans et demi" mais "les gens se demandent encore ce qui a changé", remarque-t-il.

"Pour la première fois, nous irons aux élections préparés", répond Imran Khan, que ses contempteurs estiment pourtant inapte à la fonction de Premier ministre.

- Rester capitaine -

Le mois dernier, M. Khan a fait les gros titres après avoir demandé sur Twitter à ses partisans de prier pour son "bonheur personnel", après des rumeurs de mariage avec sa conseillère spirituelle.

"Imran Khan est très, très impulsif, un trait de caractère qu'on ne retrouve pas chez les leaders", remarque Harris Chaudhry, un étudiant de 23 ans.

Ses détracteurs l'attaquent aussi pour ses appels répétés au dialogue avec des groupes insurgés violents et pour l'alliance - assumée - de son parti avec un religieux surnommé "père des talibans", Sami ul Haq.

C'est dans les madrasa de ce dernier qu'ont été éduqués le mollah Omar, ancien chef taliban, et Jalaluddin Haqqani, le leader du réseau Haqqani, bête noire des Etats-Unis.

Mais pour M. Khan, une telle alliance permet de lutter contre la radicalisation des jeunes.

D'autres le soupçonnent d'être lié à la puissante armée pakistanaise, connue pour se mêler du jeu politique local.

Mais beaucoup pensent que 2018 est sa meilleure chance, malgré la défaite du PTI à une élection partielle cette semaine.

Son ennemi de longue date Nawaz Sharif a été destitué du poste de Premier ministre en juillet - après des révélations sur de luxueux biens immobiliers détenus par sa famille - laissant la Ligue des musulmans pakistanais (PMLN), son parti, en détresse. L'autre formation dominante, le Parti du peuple pakistanais (PPP) est également aux abois.

Interrogé sur son avenir à la tête du PTI en cas de défaite, Imran Khan file la métaphore sportive : "Je suis le seul capitaine de cricket de notre histoire à être parti quand il aurait pu rester capitaine."

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