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Pierre Bellemare, la voix de crooner et la moustache d'un télévendeur né

Pierre Bellemare, monument de la radio et de la télévision mort à l'âge de 88 ans, c'était d'abord l'histoire d'une voix, aussi douée pour conter des histoires et captiver ses auditeurs que pour leur vanter les mérites d'une poële anti-adhésive.

Fils d'un courtier en livres précieux, il n'a que cinq ans lorsque son univers familial s'effondre après la mort d'une grande soeur adolescente. "Le chagrin a tué ma mère sous forme d'une grande maladie suscitée par ce choc" et son père a ensuite "littéralement dépéri", confiait-il.

C'est par son beau-frère que le lycéen parisien, qui vient de rater son bac, trouve un petit boulot d'assistant auprès de l'animateur-producteur radio Jacques Antoine. A 18 ans à peine, il est censé tenir la comptabilité de sa société. Pierre Bellemare se laisse pousser une moustache - dont il ne séparera plus jamais - pour se vieillir.

Le jeune homme se forme à la technique, devient metteur en ondes, régisseur à Radio-Service. A 25 ans, Jacques Antoine lui confie la présentation de "Vous êtes formidable" sur Europe 1, qui fait appel à la solidarité des auditeurs. C'est l'époque de l'abbé Pierre (hiver 1954) et pour Bellemare, le début d'une grande carrière sur les ondes et à l'écran.

La même année, il lance "Télé match" sur la télévision publique, qui ouvre une nouvelle ère de jeux. Le principe? Un candidat "intello" peut se faire repêcher par un candidat sportif. Il reprendra ce jeu plus tard dans "La Tête et les jambes"

Un an plus tard, le public découvre le charisme de sa voix de conteur dans "Les Aventuriers": celui dont on n'arrivait pas à capter l'attention à l'école et qui a songé un temps à devenir prêtre raconte des histoires en s'inspirant de faits divers. Avec le souci d'"apprendre à être chacun des personnages pour que leurs dialogues sonnent vrai".

- "Dans l'ombre de Victor Hugo" -

Véritable pionnier de la radio et la télévision, il rapporte en 1957 l'usage du prompteur des Etats-Unis.

Avec sa société Tecipress, il produit à la radio d'autres émissions du même type: "De mémoire d'homme", "Les Dossiers d'Interpol" ou "Histoires extraordinaires".

A l'origine de cette passion, les histoires que lui racontait son père le soir, disait-il: "Je vivais dans l'ombre de Victor Hugo, Jules Verne et Henri Barbusse".

Pierre Bellemare, c'est aussi une bonhomie naturelle et charmante. Allure joviale, un tour de taille qui témoigne d'un amour de la bonne chère, il porte des bretelles galonnées qu'il change tous les jours.

Incapable de rester en place, il enchaîne les programmes qu'il présente et/ou produit à tour de bras entre 1954 et 1977: "La Caméra invisible", "Le Bon numéro", "Cavalier seul", "Rien que la vérité", "20 Millions cash", "Pièces à conviction", "Les Dossiers extraordinaires" ...

Fin 1976, il est nommé directeur général adjoint d'Europe 1. Mais il quitte rapidement son poste, publie des compilations de récits qui se vendent par millions d'exemplaires et reprend de nouvelles émissions, comme "Au nom de l'amour" sur FR3 ou "La Grande Corbeille" sur Europe 1.

Champion du contact avec le public, il amorce un tournant en 1986 lorsque FR3 et Europe 1 se séparent de lui, pour rajeunir notamment leur image. Il s'intéresse alors au téléachat, après avoir rencontré le créateur d'une émission américaine de ce genre alors inconnu en France.

TF1 est séduite par le concept: il présentera avec Maryse Corson tous les matins pendant 7 ans "Le Magazine de l'objet" qui deviendra ensuite "Téléshopping". Fort de son succès, le concept aura même en 1994 sa propre chaîne, "Club Téléachat", diffusée sur le câble.

La relève est assurée par son fils, Pierre Dhostel présentateur de "M6 boutique" - qui n'a pas gardé son vrai nom pour éviter d'être dans l'ombre du père.

A 82 ans, il s'était lancé dans la chanson, avec un album de reprises. En sortant son deuxième disque, fin 2016, reprenant des titres de Vian, Reggiani et Mouloudji, le "monsieur qui racontait des horreurs" disait avoir voulu montrer "un romantisme que personne ne (lui) connaissait".

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