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Conflit autour de la Cour suprême en Pologne: Walesa rejoint les partisans des juges

Le conflit autour de la Cour suprême polonaise a gagné en intensité mercredi: l'ancien héros de la lutte contre le communismme Lech Walesa est venu apporter son soutien à la présidente de la cour qui refuse de quitter son poste, le Premier ministre accusant de son côté l'institution d'abriter d'anciens juges communistes, auteurs de "sentences honteuses".

Venu exprès de Gdansk (nord), Lech Walesa s'est joint mercredi soir aux manifestants rassemblés devant la Cour Suprême pour "défendre l'indépendance de la justice" en Pologne, promettant "de revenir" plus d'une fois "s'il le faut", selon les journalistes de l'AFP.

"Ceux qui violent la Constitution sont des criminels", a dit l'ancien président, visant le parti conservateur au pouvoir. "Si nous cédons sur les tribunaux, cela continuera. Nous devons tout faire pour défendre" la justice indépendante, a poursuivi M. Walesa, Prix Nobel de la Paix 1983 et ancien chef du syndicat Solidarnosc (solidarité) qui joua un rôle essentiel dans la chute du régime communiste.

"Avec un tel nombre (de manifestants) on n'obtiendra pas grand-chose", a-t-il dit, avant d'encourager l'assistance à rassembler plus de gens. "Nous, patriotes, nous devons nous unir".

"S'il le faut, je vais revenir ici pour vous voir et pour qu'on discute", a-t-il ajouté, avant de quitter la place.

Mercredi matin, acclamée par une foule beaucoup plus importante de ses partisans, la présidente de la Cour suprême polonaise Malgorzata Gersdorf s'était rendue à son bureau et avait présidé une réunion du collège de la Cour, confirmant ainsi son refus de partir à la retraite aux termes d'une réforme controversée, critiquée aussi par Bruxelles.

Elle a expliqué une nouvelle fois lors d'une conférence de presse que la Constitution - qui fixe la durée de son mandat à six ans - était prioritaire par rapport à la loi qui a abaissé l'âge de la retraite des juges de 70 à 65 ans.

- "Ligne rouge" -

Pour les conservateurs au pouvoir, la loi est entrée en vigueur et Mme Gersdorf, âgée de 65 ans, se retrouve automatiquement à la retraite.

La réforme, si elle est appliquée, conduira au départ à la retraite de 27 juges de la Cour suprême. Une "purge" pour Mme Gersdorf et une "ligne rouge" à ne pas franchir pour la Commission européenne.

Celle-ci a lancé lundi une procédure d'infraction d'urgence contre Varsovie. Celle-ci pourrait mener, après plusieurs étapes, à saisir la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) et à des sanctions financières.

Le Premier ministre Mateusz Morawiecki, interrogé mercredi sur les réformes judiciaires polonaises au Parlement européen à Strasbourg, a affirmé qu'il s'agissait de renforcer l'efficacité de la justice et de combattre la corruption.

"Savez-vous que des juges du temps de l'état de siège (1981, coup de force du général Wojciech Jaruzelski contre Solidarnosc, ndlr), qui avaient prononcé des sentences honteuses, sont aujourd'hui à la Cour suprême que vous défendez?", a-t-il lancé à ses contradicteurs, assurant que son pays luttait "encore contre l'héritage du communisme".

A Varsovie, Mme Gersdorf et le juge Jozef Iwulski, qu'elle a choisi "sans aucune consultation extérieure" pour la remplacer pendant ses congés, ont apporté des précisions sur le rôle de ce dernier.

Une clarification était nécessaire, car un collaborateur du président Andrzej Duda avait affirmé mardi que le juge Iwulski avait été désigné pour assurer l'intérim en attendant l'élection du successeur de Mme Gersdorf.

"Je ne suis ni remplaçant ni successeur de la présidente de la Cour suprême, je suis simplement une personne désignée pour la remplacer pendant ses absences", a commenté M. Iwulski. Mme Gersdorf a indiqué qu'elle comptait partir en vacances la semaine prochaine, sans préciser la durée de son absence.

Le conflit entre la présidente de la Cour suprême et le pouvoir polonais s'inscrit dans le cadre de réformes judiciaires dénoncées par leurs adversaires en Pologne comme allant à l'encontre du principe de séparation des pouvoirs, et qui font l'objet d'un différend plus vaste opposant Varsovie à la Commission européenne sur l'Etat de droit.

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