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Pour revenir en Chine, Google teste un moteur de recherche censuré

Google teste une version de son moteur de recherche adaptée aux exigences de censure de Pékin, a indiqué jeudi à l'AFP un employé, rendant envisageable sa réintroduction en Chine après huit ans d'interruption, au grand dam de militants des droits de l'Homme.

Face à la censure et aux cyberattaques, le géant californien avait retiré son moteur de recherche de Chine en 2010 et nombre de ses services restent depuis bloqués dans la deuxième économie mondiale.

Mais Google travaille désormais, sous le nom "Dragonfly" (libellule), à une version spécialement modifiée filtrant les sites et mots-clés interdits par le gouvernement chinois, a indiqué à l'AFP une source interne.

Le code du projet peut être consulté et testé sur le réseau informatique interne de Google, selon cet employé, qui confirme sous couvert d'anonymat des informations publiées par la presse américaine.

La nouvelle a provoqué malaise et consternation chez nombre de salariés de Google: "Cela a suscité pas mal d'angoisse en interne. Certains sont furieux de ce qu'on est en train de faire", glisse cette même source.

Taj Meadows, porte-parole de Google en Asie, s'est refusé à réfuter ou confirmer l'existence du projet.

"Nous proposons déjà nombre d'applications mobiles en Chine, comme Google Translate (traduction) ou FilesGo (transfert de documents) et avons réalisé des investissements significatifs avec des firmes chinoises comme JD.com", colosse de l'e-commerce, indique M. Meadows à l'AFP.

"Mais nous ne commenterons pas des spéculations sur nos projets futurs", insiste-t-il.

- Démocratie sur liste noire -

Le site web The Intercept, premier à révéler l'existence du programme, a affirmé que ce moteur de recherche sur mesure était destiné au système d'exploitation Android pour smartphones.

Selon lui, des termes concernant les droits de l'homme, la démocratie, la religion et les manifestations intègreront une liste noire, tandis que l'application identifierait et filtrerait les sites internet bannis par les autorités communistes.

L'internet chinois est bâillonné par un système complexe de censure ("Grande muraille électronique") qui bloque les réseaux sociaux Facebook, Twitter et YouTube, Google et Gmail, ainsi que de nombreux médias occidentaux.

Les plateformes chinoises comme Weibo ou WeChat font l'objet d'une censure étroite, sommées d'auto-réguler leurs contenus jugés sensibles: voix critiques du régime, contenus religieux, scandales sanitaires, musique rap, dessins animés trop crus ou ragots sur des célébrités...

Dans ce contexte, les groupes technologiques étrangers sont confrontés à un dilemme: faire des concessions au pouvoir ou renoncer à ce marché gigantesque.

Microsoft est ainsi présent en Chine avec son moteur de recherche Bing.

Inquiet, Amnesty International a appelé Google à ne pas accepter de tels compromis.

"Ce serait un jour noir pour la liberté du web si Google se soumettait aux règles extrêmes de la censure chinoise pour accéder à un marché" et "plaçait les profits devant les droits de l'homme", a prévenu Patrick Poon, chercheur de l'ONG.

- Signes de dégel -

Pour autant, selon le New York Times, citant des sources proches, Google a fait une démonstration devant des responsables gouvernementaux chinois mais cela ne signifie aucunement un retour imminent du moteur de recherche en Chine.

"Le projet du moteur de recherche censuré ne sont pas achevés", abonde le Wall Street Journal.

Les informations suggérant ce retour de Google sur le marché chinois "ne sont pas conformes à la réalité", insistait de son côté jeudi le quotidien officiel chinois Zhengquan Ribao, citant "les autorités concernées".

Si Google, exaspéré par des restrictions grandissantes et des cyber-attaques ciblant certains usagers chinois, avait retiré en 2010 son moteur de recherche de l'internet local, il n'a toutefois jamais réellement quitté la Chine.

Le groupe californien, filiale d'Alphabet, a continué d'engranger des revenus publicitaires dans le pays, où il compte actuellement trois bureaux et plus de 700 employés.

Des signes de dégel sont par ailleurs apparus: Pékin a autorisé l'an dernier l'accès de l'application Google Translate pour mobile, jusqu'alors bloquée.

Google a aussi annoncé cet hiver l'ouverture d'un centre de recherche sur l'intelligence artificielle à Pékin, ainsi qu'un accord de coopération avec le mastodonte chinois de l'internet Tencent.

Mais le malaise des employés pourrait compliquer la mise en place d'un moteur de recherche censuré.

Récemment, une pétition demandant à Google de ne pas conclure un colossal contrat avec l'armée américaine avait réuni plus de 4.000 signatures de salariés - ils jugeaient cette collaboration contraire aux valeurs de l'entreprise, dont le slogan originel était: "Ne soyez pas malveillants..."

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