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Préparer l'arrivée massive des baby boomers dans le grand âge

Les générations nombreuses du baby boom vont entrer dans le grand âge à partir de 2030: c'est à ce défi majeur que va tenter de répondre un rapport remis jeudi au gouvernement, avant une loi d'ici la fin de l'année.

Pour la première fois, les plus de 65 ans seront plus nombreux que les moins de 20 ans en France en 2030. Les 85 ans et plus vont voir leur nombre exploser, passant de 1,8 million aujourd'hui à 2,6 millions en 2030, 5,6 millions en 2050 et 6,3 millions en 2070, selon les projections de l'Insee.

Face à ce vieillissement massif, les structures sont insuffisantes: établissements saturés, personnels sous-payés et épuisés, au point que le secteur peine à recruter, en institution comme dans l'aide à domicile.

Dominique Libault, ex-conseiller de Simone Veil, ancien directeur de la Sécurité sociale, a consulté tous azimuts pour construire son rapport. Les acteurs du secteur ont participé à dix groupes de travail pendant quatre mois.

Au-delà des besoins de financement de la dépendance, estimés entre 11 et 25 milliards d'euros à l'horizon 2030, il s'agit de choix de société. "Les Français souhaitent massivement rester chez eux", relève Marie-Anne Montchamp, qui préside la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.

Pourtant, la proportion de personnes âgées vivant en institution en France est une des plus élevées d'Europe: un tiers des plus de 85 ans résident en Ehpad (établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes), dont l'image n'a cessé de se détériorer.

Le taux de soignants s'est légèrement amélioré en dix ans dans les Ehpad (28 aides-soignants et infirmiers pour 100 lits), mais il reste très en deçà des taux observés chez nos voisins allemand et espagnol, tandis que l'état des personnes accueillies s'est dégradé, allant vers des dépendances lourdes.

- Pas de big bang -

Le système est aussi trop binaire, entre institution et domicile. Domnique Libault a reconnu récemment qu'il y avait "une demande d'évolution de l'offre" afin "que la coupure entre domicile et Ehpad soit moins forte", tout en excluant un "big bang".

Entre l'Ehpad (600.000 places) et le domicile existent déjà des solutions alternatives, comme les résidences autonomie (110.000 places) ou les résidences services seniors (50.000).

On parle beaucoup d'"Ehpad hors les murs", ou "Ehpad à domicile", pour que les personnes même dépendantes puissent rester chez elles tout en bénéficiant de soins, d'accompagnement à la fin de vie, d'aide à la vie quotidienne, etc.

En Nouvelle-Aquitaine, 70 Ehpad ont participé à une expérimentation qui faisaient d'eux des "pôles ressources" dans leur secteur, avec des tournées de nuit auprès de la population âgée, un accueil de jour itinérant, des soutiens aux aidants (le "baluchonnage" inventé par les Québécois, qui désigne le relais apporté aux aidants).

Le surcoût de l'expérimentation a été estimé par Michel Laforcade, directeur général de l'Agence régionale de santé Nouvelle-Aquitaine, autour de 4,6 millions d'euros. "Pas si cher que ça, si on évite des coûts liés à des hospitalisations en urgence", a constaté M. Libault.

Reste que le maintien au domicile exige des personnels formés en nombre. Or le secteur est en crise, comme l'ont montré les grèves de soignants de l'hiver 2018.

"Il va falloir revaloriser les carrières, mettre de l'argent, il y a urgence, on est à la limite de la saturation", constate Albert Lautman, directeur général de la Mutualité française.

Le reste à charge pour les familles est un autre sujet épineux. Le rapport devrait proposer une simplification du système tripartite (Assurance maladie, départements, familles) avec une nouvelle prestation autonomie fusionnant dépendance et soins. L'APA (allocation personnalisée d'autonomie) serait remplacée par une "prestation autonomie établissement" dégressive selon le revenu.

Les sujets les plus délicats, comme le financement et sa répartition entre les départements, l'Assurance maladie et les familles, feront certainement l'objet d'arbitrages au plus haut niveau.

L'idée de lier la future réforme des retraites à l'enjeu de la dépendance, avancée par plusieurs membres du gouvernement, a hérissé les syndicats en pleine concertation sur les retraites. La nouvelle "journée de solidarité" évoquée par le délégué général de LREM Stanislas Guerini promet aussi de faire débat.

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