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Près d'1,5 million d'ex-prisonniers de Floride recouvrent le droit de vote

"J'ai envie de pleurer", confie Yraida Guanipa, une ancienne prisonnière de 57 ans, juste après son inscription sur les listes électorales de Floride, où près d'1,5 million d'anciens détenus ont retrouvé le droit de vote dans cet Etat clef dont les scrutins sont souvent serrés et décisifs.

"Je suis très nerveuse, je suis très émue, je pense que j'ai tous les sentiments en même temps", a-t-elle dit à la fonctionnaire qui se trouvait derrière le guichet du service des élections du comté de Miami-Dade, où elle s'est rendue dès l'ouverture des inscriptions.

Comme elle, près d'1,5 million d'anciens prisonniers de Floride ont retrouvé en novembre le droit de vote: les électeurs ont approuvé à 64,38% l'amendement 4 qui a restitué automatiquement ce droit aux personnes ayant purgé leur peine de prison et n'ayant commis ni crimes sexuels ni homicides.

Avant l'adoption de ce texte, la Floride était l'Etat qui comptait le plus grand nombre d'adultes privés de leurs droits civiques (10% de la population adulte), en raison d'une loi vieille de 150 ans qui, dans les faits, affectait davantage Noirs et Hispaniques. A cause de cette loi, plus d'un Noir sur cinq en Floride ne pouvait voter.

Libérée en juin 2007 après presque douze ans derrière les barreaux pour une affaire de trafic de stupéfiants, Mme Guanipa dirige l'ONG YG Institute spécialisée dans la réinsertion d'anciens détenus. Elle s'est battue pendant neuf ans pour retrouver la capacité de déposer un bulletin dans l'urne.

- "Citoyen de seconde classe" -

"Je ne me sentais pas comme un citoyen complet, je me sentais comme un citoyen de seconde classe", raconte Daniel Torna, un analyste financier de 38 ans qui s'est également rendu très tôt au service des inscriptions à Miami.

Il était privé de ses droits civiques depuis 2007, après une condamnation liée à des stupéfiants qui l'a fait passer moins d'un an en prison avant sa libération sous conditions jusqu'en 2010.

"Je paie mes impôts, je suis actif au sein de la communauté, je travaille, je vais à l'université, je fais ce que toutes les autres personnes font. Je ne pouvais juste pas voter et je n'avais pas mon mot à dire sur qui représente mes intérêts", ajoute-t-il.

Six millions d'Américains n'ont pas pu voter aux élections de novembre à cause d'une condamnation. La plus grande partie se trouvait en Floride, un Etat où les élections se jouent parfois dans l'épaisseur du trait.

Comme en 2000 lors du duel pour la Maison Blanche entre le républicain George W. Bush et le démocrate Al Gore.

Après un imbroglio d'un mois, la Cour suprême des Etats-Unis avait décidé que M. Bush avait battu le démocrate en Floride par 537 voix et, par conséquence, qu'il remportait la présidentielle. M. Gore avait pourtant obtenu la majorité des voix au niveau national.

Ou encore récemment, en novembre, lorsque les autorités ont ordonné un dépouillement à la main pour déterminer le vainqueur de l'élection au Sénat américain, le résultat restant encore trop serré après un recomptage de millions de bulletins. Le républicain Rick Scott a finalement été crédité de 50,05% des suffrages.

Impossible à ce stade de savoir combien d'anciens prisonniers du "Sunshine State" vont décider de profiter de leur nouveau droit, ni combien iront effectivement voter le jour dit, ni pour quel camp ils voteront. Traditionnellement, Noirs et Hispaniques sont plutôt démocrates.

Yraida Guanipa s'est inscrite en tant qu'indépendante, Daniel Torna s'est affilié au parti démocrate.

Desmond Meade, président de la Coalition pour le rétablissement des droits en Floride --organisation à l'origine de l'amendement--, espère que plusieurs centaines de milliers d'anciens détenus vont s'inscrire dans les prochains jours.

"Le chemin du retour vers une citoyenneté responsable a été l'un des plus grands défis de ma vie et le combat pour donner accès à la démocratie à plus d'un million de Floridiens et à moi-même a été long", a-t-il relevé dans un communiqué.

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