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Procès de Jawad Bendaoud: le traumatisme des voisins du squat après l'assaut

A quelques mètres du squat de Jawad Bendaoud à Saint-Denis, qui a servi de planque à deux jihadistes du 13-Novembre, vivaient des locataires, des familles: ils ont raconté mercredi au tribunal leur traumatisme depuis l'assaut du Raid, alors qu'ils n'ont pas été reconnus victimes du terrorisme.

La fille de Léandro avait 3 ans le 18 novembre 2015, quand les policiers du Raid ont mené l'assaut tôt le matin contre les jihadistes, dont Abdelhamid Abaaoud, le cerveau présumé des attentats. Elle a aujourd'hui 5 ans et gratte toujours le mur, près de son lit, avec ses ongles pour pouvoir s'enfuir au plus vite si des terroristes arrivent. Sa mère a expliqué au tribunal avoir acheté un grand sac de plâtre pour reboucher les trous.

Léandro, sa femme et leurs trois enfants vivaient au 48, rue de la République à Saint-Denis, au nord de Paris. Ils habitaient dans un appartement donnant sur le squat de Jawad Bendaoud, qui est jugé par le tribunal correctionnel de Paris depuis le 24 janvier pour recel de malfaiteurs terroristes.

Les policiers sont entrés dans leur domicile pour tirer sur les jihadistes. "Les policiers sont rentrés brutalement. On ne savait pas de quoi il s'agissait. Je suis allé à la fenêtre pour voir et les policiers m'ont dit : + Couchez-vous +"

La famille est restée huit heures couchée par terre pendant l'assaut, a raconté cet homme, la voix étranglée par les sanglots.

Charif, lui, habitait sous l'appartement où se sont retranchés les jihadistes. "A 04H00 du matin, j'ai entendu une explosion. J'ai regardé par la fenêtre, j'ai vu beaucoup de policiers. J'ai entendu des rafales. (...) On a attendu entre deux et trois heures. J'attendais que quelqu'un tire sur nous, ou que l'appartement tombe sur notre tête", a-t-il raconté.

Les policiers sont ensuite entrés dans leur appartement: "Ils nous ont poussés, (...) nous ont mis à terre pour nous contrôler". Charif a reçu un éclat de balle dans l'épaule.

- "Sors-moi d'ici" -

Deux ans et demi après, ces résidents sont toujours dans des hébergements provisoires. Charif est logé par le Samu social, à l'hôtel.

"Avant, j'avais un emploi, je travaillais. (...) Le jour de l'assaut, j'ai tout perdu", a raconté Léandro. "Je me présente devant votre tribunal (...) pour être reconnu en qualité de victime du terrorisme", a-t-il déclaré à la présidente de la 16e chambre du tribunal correctionnel de Paris, Isabelle Prévost-Desprez. Depuis deux ans et demi, les résidents du 48, rue de la République demandent à être reconnus comme victimes du terrorisme.

Léandro dit n'avoir perçu aucune indemnité à part 250 euros de la mairie de Saint-Denis trois mois après l'assaut.

Depuis le 18 novembre 2015, il souffre "d'énormément d'angoisses", est sourd de l'oreille gauche. "Après l'assaut, il y avait énormément de bruit dans ma tête, qui tournait beaucoup. Je travaillais dans le bâtiment et mon chef d'équipe a dit que je ne pouvais pas continuer car c'était trop dangereux". Léandro vit aujourd'hui avec le RSA.

Son épouse a des problèmes respiratoires. "Au moindre bruit, on se couche par terre. Notre vie, c'est les montagnes russes (...) Avant, on travaillait, on faisait tout pour que (nos enfants) vivent dans de bonnes conditions". En larmes, elle s'est tournée vers Jawad Bendaoud qui lui a dit, les mains jointes, "J'étais pas au courant" (que c'étaient des jihadistes, ndlr), avant de baisser la tête.

Les résidents n'ont pas le droit d'accéder à leur appartement. "Tout est resté là-bas. Les photos de naissance des enfants, les lettres de mon père de 92 ans", a raconté cette femme effondrée, avant de conclure: "J'entends toujours la voix de mes enfants: + Sors-moi d'ici maman +"

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