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Profession écrivain public ou "second assistant social"

Démêler les difficultés administratives ou remplir des dossiers: deux fois par semaine, Michel Brinon, 77 ans, se fait écrivain public au service des plus fragiles, avec d'autres bénévoles du Centre socio-culturel de Belleville, dans le nord de Paris.

"Ma situation est critique. Ils ont coupé toutes mes aides et l'assistante sociale a dit qu'elle ne pouvait rien pour moi", raconte Sofia (prénom modifié). Assis à ses côtés, Michel Brinon l'écoute. "Fils de notaire", il met ses "connaissances en droit et fiscalité" au service de personnes démunies.

"J'ai beaucoup reçu dans ma vie et donc je trouve normal de donner également", explique-t-il.

La profession d'écrivain public n'est régie par aucune réglementation mais il s'agit la plupart du temps de rédiger des courriers, des traductions, ou d'accompagner la préparation de dossiers ou de démarches administratives et juridiques.

Sofia s'est vu couper RSA et aide au logement pour avoir omis de déclarer être propriétaire d'un studio qu'elle loue. Les Caisses d'allocations familiales (CAF) lui réclament également un trop-perçu assorti de pénalités de plusieurs milliers d'euros.

Une situation qui provoque son incompréhension et à laquelle Michel répond par une pédagogie bienveillante. "Ce n'est pas facile pour moi de vous le dire car ça n'était pas intentionnel de votre part mais il est normal que la CAF procède à un recalcul. Elle considère que vous avez fraudé", lui explique-t-il.

"Seule, c'est vrai que parfois on aurait envie de baisser les bras", lui confie Sofia.

- Confidentialité -

Être écrivain public bénévole permet à Marie Guyard, 71 ans, d'exprimer "la fibre sociale" qui lui a toujours manqué dans sa carrière au sein d'une grande banque.

Ce matin-là, c'est Malla qui vient pour l'inscription de son fils en maternelle. "Je ne maîtrise pas très bien le français et j'ai peur de faire des erreurs en remplissant les formulaires", se justifie-t-elle.

Malla confie également apprécier la confidentialité du rendez-vous. "Je n'ai pas envie de demander à quelqu'un d'autre, je préfère faire ça avec des gens de confiance", explique-t-elle.

Nom, arrondissement, âge, motif de la venue, rien de plus n'est gardé dans les archives du centre. Un respect de la confidentialité qui permet aussi à des gens comme Ibrahim, un Mauritanien d'une cinquantaine d'années sans papier, de se présenter en toute confiance.

"Ibrahim c'est un habitué", explique Marie. "Ensemble, on a fait des démarches pour un emploi, puis il l'a perdu, en même temps que son titre de séjour alors qu'il était malade. Maintenant ce sont les amendes du tribunal pour les petites tours Eiffel qu'il vend", explique-t-elle.

Marie n'a pas de diplôme pour être écrivain public mais ne craint pas la "paperasse". "Quand j'ai commencé les permanences j'avais peur de ne pas y arriver. J'ai suivi une ou deux formations concernant le logement ou le droit des étrangers mais il faut surtout savoir rédiger et utiliser internet", explique-t-elle.

Si l'activité d'écrivain public ne nécessite pas de diplôme obligatoire pour exercer, il existe deux formations universitaires en France délivrant un diplôme spécifique.

Lorsqu'elle lui lit le courrier qu'elle a rédigé, Ibrahim l'applaudit: "Je vois souvent Marie. Elle m'aide beaucoup. A part elle je n'ai personne".

Une fois Ibrahim parti, elle confie: "La lettre je ne suis vraiment pas sûre que ça marche. J'ai beaucoup de peine pour lui, c'est pour ça que je lui ai donné mon numéro de téléphone".

Mais si Marie en arrive parfois à ce genre d'exceptions, elle tient aussi à garder une distance. "On est comme des seconds assistants sociaux mais on a aussi nos limites", explique-t-elle.

Depuis janvier, 150 personnes se sont présentées aux permanences des cinq écrivains publics qui travaillent au centre.

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