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Quand les politiciens américains partagent leur intimité sur les réseaux sociaux

Le Texan Beto O'Rourke partage son détartrage sur Instagram, la sénatrice Elizabeth Warren ouvre une bière, sur la même plateforme, le sénateur Cory Booker envoie des selfies sur Snapchat. Ils seront peut-être candidats à la présidentielle de 2020 pour remplacer Donald Trump, ou pas. Mais cette nouvelle génération d'élus démocrates et quelques vétérans de la politique ont choisi, non sans risque, de partager leur vie privée sur les réseaux sociaux, pour gagner en notoriété, pour tenter de se rapprocher des jeunes électeurs et ramasser des millions de dollars de contributions de campagne.

Alexandria Ocasio-Cortez était encore barmaid il y a un an. Aujourd'hui nouvelle élue de la Chambre des représentants, la New-Yorkaise de 29 ans a 2,3 millions d'abonnés sur Twitter et 1,7 million sur Instagram.


Attirer de nouveaux soutiens

Ses commentaires sont généralement politiques, mais elle partage aussi des vidéos la montrant esquisser des pas de danse ou cuire des macaronis au fromage. A première vue, il s'agit d'un coup d'oeil frivole sur la vie quotidienne de la jeune élue, étoile montante du parti démocrate. Mais comme d'autres, elle espère attirer de nouveaux soutiens en associant des milliers de personnes à son destin.

Pour les candidats à la présidentielle de 2020, c'est très important. "Si vous ne faites pas un investissement sérieux en ligne, vous avez zéro chance à la primaire démocrate", indique à l'AFP Adam Parkhomenko, ancien conseiller de Hillary Clinton. "C'est probablement la chose la plus importante qu'une campagne électorale puisse faire".


S'identifier

Les politiciens savent l'importance de la promotion en ligne, notamment ceux qui ont atteint l'âge adulte au 21e siècle.  "Ils l'utilisent pour faire passer leur message, et ça marche" , ajoute M. Parkhomenko. L'idée que des images non-présidentielles seraient interdites aux candidats à la Maison Blanche est presque risible lorsque l'on voit le président Donald Trump repousser lui-même les limites de la décence sur Twitter.  "Les choses ont énormément changé depuis deux ou trois ans" , remarque M. Parkhomenko. "Les gens veulent soutenir quelqu'un à qui ils puissent s'identifier" , même si ça veut dire le voir faire ses course, son footing ou sa tournée dans sa circonscription. "Voilà, je suis avec Diana, ma dentiste"
Mais la visite chez le dentiste de Beto O'Rourke, 46 ans, dans sa ville d'El Paso, destinée à montrer la vie à la frontière mexicaine en plein débat sur l'immigration, a provoqué une pluie de réactions;  "Voilà, je suis avec Diana, ma dentiste", indique le candidat malheureux au Sénat américain en novembre 2018 au début d'une vidéo postée sur Instagram, où il compte 760.000 abonnés. Le clip le montre allongé sur un fauteuil de dentiste en plein nettoyage dentaire, une pompe à salive dans la bouche.

Les réactions, souvent hilares, n'ont pas tardé à déferler sur les réseaux sociaux, avec pléthore de moqueries, même chez les partisans du démocrate. "Je t'aime #Beto, mais c'est vraiment trop d'information!", a tweeté un internaute.


Quelle limite?

Pour Scott Talan, professeur de communication à l'American University, les électeurs doivent s'attendre à voir de plus en plus de détails de la vie quotidienne des candidats à la présidentielle, mais il s'agit d'une transparence illusoire. Il cite le cas d'Elizabeth Warren, 69 ans, qui s'est filmée en direct en train de se verser une bière, provoquant un débat sur le caractère provocateur de son geste.

"C'est là qu'on se pose vraiment la question de savoir si les politiciens ne vont pas trop loin", indique M. Talan. "Même ouvrir une bière sur Instagram pose des risques et peut apparaître comme manquer d'authenticité". Mais Instagram appartient à Facebook, qui est connu pour rassembler et analyser les données collectées sur les abonnés de ces politiciens.

Même si la vidéo de Beto O'Rourke fait grincer des dents, elle pourrait ainsi aider son équipe de campagne à cibler des publicités électorales. La question est de savoir jusqu'où ils peuvent aller. "Nous ne saurons quand ce sera trop qu'une fois que ce sera le cas", conclut M. Talan.

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