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Quel sera l'impact des nouvelles sanctions américaines sur la Syrie?

Accusé des pires exactions dans le conflit en Syrie, le régime de Bachar al-Assad est la cible de nouvelles sanctions américaines au moment où il cherche à lancer la reconstruction du pays dévasté.

Entrée en vigueur mercredi, la loi César, qui encadre ces sanctions, pourra-t-elle réaliser les objectifs espérés par Washington? Quel impact pour l'économie syrienne, la population et les alliés de Damas?

Quel impact pour le régime?

Le régime syrien mais aussi des hommes d'affaires proches du pouvoir sont déjà la cible de sanctions économiques américaines et européennes.

La loi César élargit l'étendue des sanctions. Elle prévoit des mesures contre des entités étrangères collaborant avec le régime syrien, comme celles de Russie ou d'Iran, deux pays alliés de M. Assad.

"Quiconque fera affaire avec le régime Assad, et où qu'il se trouve dans le monde, s'expose à des restrictions de voyage et à des sanctions financières", a expliqué le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo.

"(...) on peut dire que l'immobilier, la construction, l'énergie et les infrastructures seront particulièrement affectés", souligne Edward Dehnert, analyste chez The Economist Intelligence Unit.

Pour lui, la loi César est une nouvelle tentative de Washington pour "imposer une solution politique (...) et évincer Bachar al-Assad". Mais "la position de M. Assad est sécurisée" dans le pays, où le régime a consolidé son emprise sur plus de 70% du territoire.

Les sanctions pourraient "limiter les profits" à tirer, pour le régime et ses partenaires, "des opportunités économiques apportées par le processus de reconstruction", dit-il.

Elles ont été conçues "pour maintenir le régime au rang de paria. La menace d'une action punitive américaine sera suffisante pour effrayer la majorité des investissements".

Pour lever les sanctions, la loi exige que toute personne soupçonnée de "crime de guerre" ou impliquée dans des bombardements de civils soit jugée et que les "prisonniers politiques" soient libérés.

Quelles conséquences pour la population?

Les sanctions vont probablement aggraver les difficultés économiques de la population.

Les craintes suscitées avant même l'adoption des sanctions ont contribué à un effondrement historique de la monnaie nationale face au dollar, soulignent des experts. Et les sanctions pourraient compliquer les importations, notamment de carburant.

Mercredi, la Banque centrale a officiellement révisé à la baisse la valeur de la livre syrienne face au dollar, après des semaines de forte dépréciation sur le marché noir. Le taux de change officiel est désormais d'environ 1.250 livres syriennes pour un dollar. Un dollar valait 47 livres avant la guerre déclenchée en 2011.

"Malheureusement, les Syriens sont ceux qui vont souffrir le plus", pronostique M. Dehnert.

Les régions sous contrôle gouvernemental connaissent depuis deux ans une pénurie de carburant et 80% de la population vit sous le seuil de pauvreté selon l'ONU. Les prix des produits alimentaires ont connu une inflation de 133% depuis 2019.

"Nous avons beaucoup souffert des sanctions sans cesse renouvelées", déplore Hiba Chaabane, étudiante à Damas, pour qui la loi César est "un autre visage de la guerre".

Hassane Toutanji, directeur d'une clinique à Damas, craint "des restrictions sur l'importation des équipements" et de matières premières "nécessaires à la fabrication des médicaments".

Et pour les alliés de Damas?

La loi vise à museler l'influence de l'Iran et de la Russie, deux puissances déjà visées par des sanctions américaines mais qui ont sécurisé des investissements en Syrie dans le cadre de la reconstruction.

Mais elle pourrait au contraire leur donner un coup de pouce: en effrayant certains investisseurs traditionnels, "les Etats-Unis réduisent la compétitivité" dans une course où Moscou et Téhéran "ont déjà un avantage significatif", estime M. Dehnert.

Au Liban voisin, les sanctions américaines inquiètent. Longtemps source de devises étrangères pour des hommes d'affaires syriens, le pays est aujourd'hui en faillite.

Le Liban et la Syrie sont étroitement liés sur le plan économique, avec des exportations agricoles du Liban transitant par la Syrie et des entreprises de BTP ou encore de transport lorgnant sur le marché syrien.

"Faire des affaires avec la Syrie va devenir encore plus difficile et risqué", résume Heiko Wimmen, de l'International Crisis Group (ICG).

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