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Qui se cache derrière "l'Etat de l'ombre" dénoncé par Trump?

La mystérieuse tribune anonyme contre Donald Trump alimente la théorie avancée par le président américain selon laquelle une nébuleuse de hauts fonctionnaires oeuvrerait en cachette pour faire dérailler son mandat: un "Deep State", ou "Etat de l'ombre", régulièrement dénoncé par l'extrême droite mais dont l'existence n'est pas prouvée.

Depuis deux jours, l'expression résonne avec une force renouvelée aux Etats-Unis, avec pour premier porte-voix, Donald Trump.

"Il ne s'agit peut-être pas d'un républicain, il ne s'agit peut-être pas d'un conservateur, il s'agit peut-être de quelqu'un venant de l'Etat de l'ombre", a-t-il avancé dans un entretien diffusé sur Fox News vendredi matin.

C'est "vraiment injuste pour notre pays et pour les millions de gens qui ont vraiment voté pour nous, ils ont voté pour nous", s'est-il indigné.

Jeudi matin, celui qui a promis de "curer le marigot" de Washington avait tonné sur Twitter contre une cabale supposée.

"L'Etat de l'Ombre et la Gauche et leur vecteur, les Médias Fake News, sont en train de devenir fous", écrivait le président qui s'indigne régulièrement des fuites d'informations sensibles dans la presse.

Dans sa tribune, le "haut responsable de l'administration Trump" attaquait mercredi de front cette théorie.

"Il ne s'agit pas du soi-disant Etat de l'ombre. C'est l'oeuvre de l'Etat stable", écrivait-il tout en décrivant un cabinet qui a érigé autour du président américain un mur de contention, contredisant voire empêchant ses ordres d'être appliqués.

Une description qui rejoint le portrait acide d'une Maison Blanche plongée dans le chaos, dressé la veille dans des extraits du prochain livre de Bob Woodward, journaliste d'investigation respecté.

On y découvre un conseiller subtilisant une lettre dans le Bureau ovale, coeur révéré du pouvoir aux Etats-Unis, et son ministre de la Défense disqualifiant la volonté présidentielle d'assassiner le président syrien.

De quoi alimenter la théorie qu'un groupe de technocrates, alliés à des dirigeants de l'armée, de la justice et du renseignement, fait tout pour freiner la volonté de Donald Trump, et donc du peuple qui l'a élu. Surtout que la lettre est publiée dans un journal régulièrement conspué par le commandant en chef des Etats-Unis.

- "Cela s'appelle la fonction publique" -

"Cette tribune va renforcer la crédibilité des théories du complot sur un +Etat de l'ombre+", a estimé sur Twitter Jack Goldsmith, professeur de droit à l'université de Harvard et auteur d'un essai sur le "Deep State".

"Je m'inquiète de voir comment" cet article "jouera entre les mains de ceux qui croient être témoins d'un coup d'Etat en douceur", poursuit-il.

Comme ce qu'elle désigne, l'origine de l'expression "Deep state" est aussi entourée de mystère, plusieurs personnes disant en être les auteurs.

L'idée en tout cas est loin d'être nouvelle. Mais Donald Trump l'a sortie des confins du monde des complotistes pour la propulser dans le langage courant. Son ancien conseiller Steve Bannon et le site d'extrême droite Breitbart l'utilisent à l'envi.

Derrière cette terminologie se cache en fait les quelque deux millions d'employés du gouvernement fédéral qui restent en poste malgré les changements politiques.

"L'+Etat de l'ombre+ existe réellement", ironisait en mars un expert américain en géopolitique, George Friedman, dans le Huffington Post.

"Il ne s'agit toutefois ni d'un secret ni d'un concept aussi glamour qu'on pourrait le croire. Il est en place depuis 1871 et continue de représenter le mécanisme réel qui agit derrière le gouvernement fédéral, en contrôlant et remodelant fréquemment les politiques des élus. Cela s'appelle la fonction publique et cela a été créé pour limiter les pouvoirs du président."

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