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Radicalisés sortant de prison: le renseignement pénitentiaire en première ligne

Créé seulement l'an dernier, le bureau du renseignement pénitentiaire se retrouve déjà en première ligne face à la menace des détenus radicalisés en passe de sortir de prison, suscitant l'inquiétude croissante de la justice et des services de renseignement.

D'ici fin 2019, près de 450 détenus radicalisés auront purgé leur peine et sortiront de prison. Parmi eux, une cinquantaine de condamnés pour terrorisme (sur un total de 500 environ), les autres étant des détenus de droit commun repérés comme radicalisés islamistes. Ils constituent "un risque majeur", a reconnu fin mai le procureur de Paris François Molins.

"Les sortants, c'est ce qui nous occupe au premier chef", confie à l'AFP la directrice du Bureau central du renseignement pénitentiaire (BCRP), qui souhaite rester anonyme. Une des priorités consiste à évaluer la dangerosité des détenus qui s'apprêtent à être remis en liberté.

En amont de chaque libération, le renseignement pénitentiaire partage avec les services du ministère de l'Intérieur les éléments utiles au suivi du détenu.

"Nous sommes très prudents. Il ne faut pas qu'il y ait de trou dans la raquette", résume la responsable du Bureau, alors que la France vit sous la menace permanente d'attentats jihadistes.

Le BCRP est né en février 2017, face à l'explosion du nombre de détenus radicalisés en prison. Depuis, les agents ont accès à des techniques de renseignement jusque là réservées au ministère de l'Intérieur et sont destinataires de données classifiées. Des cellules du BCRP ont été créées au sein des dix directions interrégionales de la pénitentiaire.

Le renseignement pénitentiaire surveille 3.000 personnes, en grande majorité des détenus radicalisés. Il a un triple objectif: la prévention du terrorisme, la prévention du crime organisé et la sécurité pénitentiaire.

Le Bureau rédige des fiches retraçant tout le parcours carcéral d'un détenu suivi: les personnes qui lui ont rendu visite au parloir, les prisonniers dont il a été proche en détention, les incidents pendant l'incarcération, des extraits d'écoutes téléphoniques, un numéro de téléphone s'il a réussi à s'en procurer un en prison etc.

Il y a au moins un délégué du renseignement pénitentiaire dans chaque prison.

L'essentiel des informations vient du renseignement humain, aussi bien d'agents pénitentiaires que de prisonniers. "Des détenus souhaitent parfois collaborer avec le renseignement pénitentiaire, par exemple pour obtenir un transfert dans un établissement plus proche de leur famille", explique la directrice du BCRP.

"Les détenus sont très bavards au téléphone, sur les réseaux sociaux et se parlent beaucoup entre eux", glisse-t-elle.

- Plus d'autonomie -

"Le plus important est de tisser une toile avec un réseau d'informateurs fiables dans chaque établissement, or cela prend du temps", indique une source au sein de l'administration pénitentiaire.

La prison a été accusée d'être "un angle mort du renseignement": au cours de l'incarcération, on ignorait comment évoluait le détenu. Mais selon la directrice du BCRP, "ce n'est plus le cas. Il y a eu beaucoup de progrès". "La continuité du renseignement est de plus en plus garantie", d'après cette responsable.

L'Unité de coordination de la lutte antiterroriste (Uclat) "nous demande des fiches de plus en plus précises", indique la direction de l'administration pénitentiaire (DAP). Le ministère de l'Intérieur va créer au sein de cette unité un comité de suivi spécifiquement dédié aux détenus radicalisés sortant de prison et le renseignement pénitentiaire est "évidemment partie prenante", souligne la DAP.

Le BCRP va par ailleurs jouir de davantage d'autonomie au sein de la DAP. A partir de janvier 2019, il sera directement rattaché au directeur de l'administration pénitentiaire, alors qu'il dépend actuellement d'une sous-direction. Cela permettra au bureau de piloter directement ses agents, afin de gagner en efficacité.

Les effectifs du renseignement pénitentiaire vont aussi augmenter, pour passer de 300 aujourd'hui à 400 d'ici 2020.

"Il a pu y avoir de la prudence au départ à notre égard dans la communauté du renseignement, mais de vrais rapports de confiance se sont développés. Nous étions une source d'information au départ, j'espère qu'ils nous considèrent désormais comme un partenaire à part entière", indique la directrice du BCRP.

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