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Régularisés après des années de labeur: fin de "galère" pour des sans-papiers

"Dix-huit ans que je suis en France, et c'est aujourd'hui que j'ai les papiers": les bras levés au ciel, sous les applaudissements, Mamadou Diakité peine à croire à sa régularisation, après des années à travailler sur des chantiers.

Comme 32 autres Africains, ce Malien de 43 ans avait rendez-vous à la préfecture de police de Paris jeudi pour récupérer le précieux récépissé lui donnant officiellement le droit de travailler -- une régularisation obtenue de haute lutte, après des semaines de conflit avec son employeur.

"C'est une nouvelle vie qui commence", raconte l'homme au parcours cabossé: arrivé en France en 2001, expulsé en 2008 avant de revenir quelques mois plus tard et d'enchaîner depuis les missions d'intérim sous une identité d'emprunt.

Mamadou Diakité fait partie des 160 sans-papiers --employés du bâtiment, de la restauration ou des transports-- qui s'étaient mis en grève en février pour réclamer leur régularisation.

Une démarche rare, même si les étrangers en situation irrégulière sont des milliers dans des entreprises françaises. Le nombre total de sans-papiers a récemment été estimé à 300.000 par le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb, mais il serait vraisemblablement supérieur.

"Le bâtiment, le nettoyage, la manutention et la restauration collective tournent grâce aux sans-papiers", soupire Maryline Poulain de la CGT. "En fait, tout ce qui est pénible, avec des horaires contraints" --hôtellerie, tri des déchets-- est aussi concerné, ajoute la syndicaliste.

Une possibilité de régularisation existe, notamment depuis la "circulaire Valls" de 2012 qui précisait les conditions notamment pour les salariés et les parents d'enfants scolarisés. 30.000 personnes en ont bénéficié l'an dernier, 180.000 en six ans.

- "Sous alias" -

Pour les travailleurs "sous alias" (avec une identité d'emprunt), il faut notamment convaincre l'employeur de remplir un "certificat de concordance" leur permettant de faire valoir l'ancienneté au travail requise par la circulaire: 8 mois au cours des deux dernières années, avec cinq ans de présence en France --un critère qui peut toutefois faire l'objet d'une lecture bienveillante.

Certains employeurs se font tirer l'oreille. Pas tant par crainte des sanctions: l'amende de 15.000 euros n'est, dans les faits, appliquée que s'ils refusent de rentrer dans les clous. "L’État est plutôt dans une logique incitative", affirme Mme Poulain, qui espère voir cet effort encore accru.

Mais "une partie des employeurs, notamment ceux qui recourent systématiquement aux sans-papiers, refusent, et préfèrent maintenir une situation d'exploitation" permettant un accommodement avec les normes sanitaires et sociales, ajoute-t-elle. D'autant que le recours croissant à l'intérim rend difficile d'établir la responsabilité de l'entreprise.

Sénégalais de 37 ans, Salif Kané est arrivé en France il y a trois ans pour rejoindre son frère, lui aussi employé du bâtiment, où il travaillait dans l'illégalité depuis dix ans.

"Avoir des papiers va changer beaucoup de choses. On est à l'aise, on n'a pas peur des contrôles de police, si sur un chantier il y a un accident on est couvert..." Vivre sans papiers, "c'est la galère".

A l'heure où le gouvernement se veut intraitable sur l'immigration irrégulière, cette "galère" se traduit aussi par la hantise des contrôles d'identité et les risques d'expulsion.

Mamadou Diakité peut en témoigner: il s'est de nouveau retrouvé en rétention après son retour en France, et n'a échappé à l'expulsion que grâce à l'intervention d'un juge. Il a fallu, pour le régulariser, faire tomber une obligation de quitter le territoire.

Après leur récépissé, les travailleurs régularisés pourront obtenir une carte de séjour "salarié" d'un an, avant une carte de quatre ans, puis de dix. Un processus qui devrait se faire sans heurts compte tenu des engagements pris par les employeurs, espère Mme Poulain: "L'important, c'est d'entrer dans la procédure".

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