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Réunion au sommet des intégristes lefebvristes, à distance de Rome

La Fraternité sacerdotale Saint-Pie X (FSSPX) fondée par Mgr Lefebvre réunit mercredi en Suisse ses dirigeants: une réunion au sommet capitale pour le plus important mouvement catholique intégriste et son supérieur Bernard Fellay, qui espère un rapprochement avec Rome, trente ans après le schisme.

- La FSSPX à l'heure de son "chapitre général" -

Fondée en 1970 par l'évêque français Marcel Lefebvre (1905-1991), la FSSPX avait rapidement pris ses distances avec le Saint-Siège, refusant de "suivre la Rome de tendance néo-moderniste et néo-protestante" née selon elle du concile Vatican II (1962-1965), avec sa "nouvelle messe" rompant avec le latin et son insistance sur la liberté religieuse et l'oecuménisme.

La rupture est consommée quand Mgr Lefebvre - ses fidèles seront appelés "lefebvristes" - consacre en 1988 quatre évêques sans l'autorisation de Jean Paul II, un geste frappé d'excommunication.

Ce n'est que la quatrième fois que la congrégation intégriste - traditionaliste hors du giron romain - tient sa plus haute assemblée (du 11 au 21 juillet à Ecône, en Suisse), son "chapitre général", réuni tous les douze ans.

L'occasion de faire un état des lieux de troupes qui se portent bien selon le porte-parole de la FSSPX, l'abbé Alain Lorans, qui revendique 650 prêtres desservant 70 pays dans le monde.

En France, principal fief, "les églises, les chapelles, les quarante prieurés relevant de cette fraternité schismatique ne désemplissent pas", constate l'essayiste Henri Tincq dans son dernier ouvrage, "La grande peur des catholiques de France (Grasset).

- Le chemin incertain vers Rome -

Le sujet du retour des lefebvristes en "pleine communion" avec Rome devrait être sur toutes les lèvres à Ecône. C'est le grand combat de Mgr Bernard Fellay, 60 ans dont 24 passés à la tête de la FSSPX, un chemin qui n'a toujours pas abouti depuis la levée des excommunications en 2009 par Benoît XVI.

L'homme fort de la congrégation intégriste rêve d'une "reconnaissance canonique" qui passerait par une "prélature personnelle", sur le modèle de ce que Jean-Paul II avait fait pour l'Opus Dei. Cette forme juridique permettrait à la fraternité lefebvriste de dépendre davantage du pape que de l'évêque de chaque diocèse.

Mais le grand rapprochement avec Rome se fait attendre, plus d'un an après que le pape François a fait un nouveau pas en validant, à certaines conditions, la célébration des mariages par des prêtres lefebvristes.

"Optimiste", Mgr Fellay restait prudent dans la presse fin juin: "On nous a d'abord ouvert des moyens de discussion, puis on les a refermés. Qu'exige-t-on vraiment de nous? Le démon est à l'œuvre".

- Contestations parmi les intégristes -

Le prélat suisse joue-t-il son avenir lors de ce chapitre général? "Ce n'est pas gagné pour lui", observe Henri Tincq. "S'il est mis en minorité, il n'y aura pas d'accord avec Rome et il laissera sa place à une tendance encore plus dure".

Une crise interne avait couvé au printemps 2017. Main de fer dans un gant de soie, Mgr Fellay avait limogé sept doyens critiques face au processus de rapprochement, dont celui de l'église emblématique Saint-Nicolas-du-Chardonnet, occupée illégalement depuis quatre décennies au coeur de Paris.

A l'approche du rassemblement d'Ecône, les plus intransigeants des lefebvristes ont lancé une "lettre ouverte" appelant à ne pas signer de "compromis avec l'erreur" romaine. Combien pèsent-ils? "L'opposition interne me semble minoritaire, et surtout circonscrite à la France", évacue l'abbé Lorans.

- Des craintes dans l'Eglise et au-delà -

L'octroi d'une prélature personnelle, souvent vu comme un traitement de faveur injustifié, pourrait être vivement critiqué dans les rangs de l'Eglise.

"Les évêques ne sont pas tous spontanément disposés" au rapprochement, car le passé a été "violent", relevait il y a quelques mois une source proche de l'épiscopat.

Vent debout, l'association de lutte contre les dérives sectaires Avref verrait un geste "irresponsable" dans la reconnaissance pontificale d'une FSSPX à laquelle elle a consacré un "livre noir".

"Des victimes s'adressent à nous sur des dossiers d'abus sexuels, la façon dont leurs écoles (une centaine dans le monde) sont tenues... Un cléricalisme très fort fait que les familles sont sous le joug des prêtres", confiait en 2017 son président Aymeri Suarez-Pazos.

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