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Rixes entre migrants: à Calais, des frictions communautaires récurrentes

Les violentes rixes entre migrants qui ont éclaté jeudi à Calais s'inscrivent sur fond de tensions récurrentes entre les différentes communautés, aggravées selon les associations par l'extrême âpreté des conditions de vie sur place.

Vingt-deux personnes ont été blessées dans ces rixes, qui ont éclaté en trois endroits distincts entre l'après-midi et le début de soirée de jeudi. Quatre migrants, des Erythréens blessés par balle, étaient vendredi toujours entre la vie et la mort et un Afghan, soupçonné d'être l'auteur de coups de feu, était recherché.

"Le conflit entre Afghans et Africains a toujours été sous-jacent. C'est malheureusement un schéma classique" de voir sur place des affrontements entre eux, estimait jeudi une source préfectorale.

Avec son tunnel sous la Manche et son terminal ferry, Calais a toujours attiré les migrants rêvant de passer en Grande-Bretagne: Afghans, Soudanais, Erythréens... pour beaucoup anglophones, et cherchant à rejoindre un proche.

La "Jungle", ce bidonville qui a compté quelque 8.000 personnes avant son démantèlement en octobre 2016, voyait ainsi cohabiter les différentes nationalités dans des "quartiers" distincts: Afghans sur l'artère principale, Soudanais plus à l'est... Les explosions de violence étaient plus rares, car "les gens étaient moins harcelés" par les forces de l'ordre, et "il y a des choses qui pouvaient lisser les tensions, la présence associative, les bénévoles...", explique Vincent De Conninck du Secours catholique.

Malgré tout, des rixes pouvaient éclater, avec un bilan non négligeable: 19 blessés en mars 2016 lors de bagarres entre Soudanais et Afghans, un mort à Norrent-Fonte, à une soixantaine de kilomètres de Calais, lors d'une bataille entre Soudanais et Erythréens...

Et ce sont des rixes communautaires entre Afghans et Kurdes qui avaient provoqué l'incendie du camp de Grande-Synthe (Nord), détruit par les flammes en avril 2017.

- "Mainmise des réseaux" -

Aujourd'hui, restent surtout à Calais des Afghans et des migrants de la Corne de l'Afrique (Erythréens, Somaliens...), qui tentent de gagner la Grande-Bretagne malgré une forte présence policière. Avec, selon les associations, une conséquence directe: "le tout-sécuritaire et les barrières renforcent la mainmise des réseaux", affirme M. de Conninck.

La présence des forces de l'ordre, qui ont pour consigne de ne pas laisser se réinstaller de "point de fixation", a aussi poussé les passeurs à s'adapter, et à "charger" leurs clients de plus en plus loin de la frontière: à Calais ne restent que les migrants les plus désespérés, ou les moins fortunés.

Les Africains, ainsi, "n'ont pas d'argent. Ils essaient de passer par leurs propres moyens. Les Afghans leur mettent la pression parce qu'ils montent dans les camions sans payer", raconte Yann Manzi, le fondateur d'Utopia 56.

Les réseaux ont généralement un fonctionnement communautaire et beaucoup sont tenus par des Afghans -- les Albanais, avec un mode de fonctionnement à part basé depuis des hôtels, "semblent moins présents" aujourd'hui, soulignent des observateurs.

Interrogés par l'AFP, des migrants africains et afghans présents à la distribution de nourriture vendredi matin à Calais pointaient tous la responsabilité de passeurs armés dans les violences de la veille: "Il y avait des migrants qui n'avaient plus d'argent, les passeurs se sont mis en colère et ont tiré", croit savoir Daniel.

"C'est une histoire de territoires", soupire M. de Conninck. Pour Loan Torondel de l'Auberge des migrants, "les passeurs mettent une pression énorme pour pouvoir contrôler tel ou tel client, tel ou tel parking".

Les parkings représentent en effet un territoire convoité, car ce sont les seuls endroits où monter dans un camion en dehors de la rocade.

Facteur aggravant pour les associatifs: "il y a de plus en plus de monde, les conditions de vie sont ignobles, les gens sont à bout et exaspérés", ajoute Loan Torondel, en faisant étant d'une "hausse du nombre de migrants depuis deux semaines", après la signature d'un accord avec la Grande-Bretagne qui a laissé penser aux mineurs qu'ils passeraient plus facilement la frontière.

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