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Sans téléphone, ni copains: au Cachemire indien, la jeunesse vit cloîtrée

Dans un petit immeuble d'une ruelle exiguë de Srinagar, principale ville du Cachemire sous contrôle indien, Mohammad Saleem et sa famille se sentent coupés du monde, emprisonnés dans leur propre maison à cause du black-out qui entre dans sa troisième semaine.

Le blocage de quasiment tous les moyens de communication et les fortes restrictions à la circulation, imposées par les autorités indiennes, sont en vigueur depuis le 4 août, veille de l'annonce de la révocation du statut d'autonomie spéciale de cette région himalayenne.

Et ces mesures de sécurité pèsent considérablement sur les enfants et adolescents, isolés et privés de toute communication avec leurs amis.

Shayan, le fils de Saleem, a 13 ans, et décrit une vie de reclus. "Je ne peux pas étudier, je ne peux pas entrer en contact avec mes amis, ni même sortir à cause de toutes ces restrictions".

"Aller à l'école me manque tant. On jouait beaucoup là-bas. Maintenant, on reste assis à la même place, que faire ici ?", demande-t-il.

Saleem, père de trois enfants, raconte que sa benjamine est allée vivre avec sa grand-mère. Elle "se sentait en cage", explique-t-il, tout en désignant le petit vestibule au premier étage de sa maison où la famille passe le plus clair de son temps.

Les autorités indienne ont rouvert lundi des écoles dans certaines parties du Cachemire mais les salles de classe demeurent en grande partie vides, les parents préférant garder leurs enfants à la maison.

Avec les réseaux de téléphones mobiles toujours coupés et à peine quelques lignes téléphoniques terrestres qui fonctionnent, ils ne veulent pas prendre le risque de les laisser sortir sans pouvoir les joindre.

Ainsi, Showkat Shafi, chef d'entreprise, a décidé de ne pas renvoyer à l'école ses filles de 8 ans et 13 ans tant que les tensions ne seront pas retombées.

- A court de nourriture -

Des manifestations éclatent régulièrement dans certaines parties du Cachemire en dépit du black-out, réprimées par des tirs de gaz lacrymogènes et des fusils à plomb.

"C'est devenu très difficile de vivre ainsi", dit M. Showkat, dont l'usine de teinture a fermé ses portes dans le quartier résidentiel de Nowshera. "Je ne sais pas combien de temps cela va encore durer. Que pouvons-nous faire d'autre maintenant que de leur demander (aux enfants) de ne pas quitter la maison et de simplement étudier ou de se trouver une occupation?".

Saleem craint aussi d'être pris, par erreur, pour un manifestant et d'être arrêté par les autorités.

Sa maison se trouve à côté de la principale mosquée de Srinagar, Jama Masjid, d'où partent souvent les manifestations. Depuis le black-out, les autorités indiennes ont fermé le lieu de culte: elles considèrent cette partie ancienne de la ville comme un foyer de dissidence.

Au moins 4.000 personnes ont été interpellées depuis la révocation de l'autonomie de ce territoire par New Delhi il y a deux semaines, en vertu de la loi sur la sécurité publique qui permet aux autorités d'emprisonner une personne jusqu'à deux ans sans accusation ni procès.

Les réserves de nourriture de la famille de Saleem, vendeur de vêtements pour femmes à domicile, s'épuisent, et désormais son seul espoir pour pouvoir nourrir les siens est l'emprunt.

Les autorités indiennes n'ont fourni aucune indication de date pour la fin du couvre-feu ni pour le rétablissement des services de télécommunication.

Sa fille Iram, en première année de lycée, rêve de devenir professeur mais pour l'heure, elle ne voit qu'un avenir bouché. "Je ne peux pas étudier parce qu'internet ne fonctionne pas .... Je ne peux aller nulle part. Où puis-je aller ? Qu'est-ce-que je peux faire maintenant ?".

"Notre avenir à tous est train d'être détruit. Les jeunes ici vivent dans la peur", lance-t-elle.

"Dehors, ce n'est que jets de pierres, gaz lacrymogènes et couvre-feu ... Je pense qu'il n'y a nulle part ailleurs dans le monde autant d'injustice que celle subie par les enfants du Cachemire", assure-t-elle.

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