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SDF à Paris: querelle de chiffres et bataille politique

Combien de personnes dorment dans la rue à Paris ? Une querelle de chiffres oppose le gouvernement aux associations alors que la mairie lance jeudi le tout premier recensement des SDF dans la capitale.

A l'heure où l'exécutif se défend de minorer le nombre sans-abri à Paris, plus de 2.000 bénévoles et associatifs vont quadriller les rues de la capitale jeudi lors d'une "Nuit de la solidarité".

Objectif: "Comptabiliser combien de personnes dorment dans la rue, une fois que toutes les places d'hébergement ont été attribuées par le 115 (numéro d'urgence du Samu social de Paris, NDLR)", explique Dominique Versini, maire adjointe à la solidarité.

Cette méthode, utilisée notamment à New York, Bruxelles ou Athènes, n'a jamais été expérimentée en France où il n'existe pas de recensement officiel des SDF. Seule une enquête de l'Insee, datant de 2012, établit à 143.000 le nombre de personnes sans domicile en France, dont 28.800 adultes francophones dans l'agglomération parisienne.

"Cette opération peut être bénéfique et nous y participerons, car nous manquons de données", reconnaît le président du Samu social de Paris Eric Pliez.

"Il n'existe pas à ce jour de décompte des personnes sans abri en Ile-de-France: les seuls chiffres qui existent sont ceux du nombre de gens qui appellent le 115 et n'obtiennent pas de solution", ajoute le directeur de la Fédération des acteurs de la solidarité (ex-Fnars) Florent Gueguen.

Du côté de la Fondation Abbé Pierre, on attend de voir la suite. "Si ça ne donne pas lieu à une réadaptation des réponses quantitatives et qualitatives d'hébergement, alors ça sera juste un bon coup de com'", prévient Christophe Robert, délégué général de la fondation.

- "Propos insupportables" -

Cette initiative intervient après la polémique déclenchée par les déclarations fin janvier du secrétaire d'Etat auprès du ministre de la Cohésion des territoires.

Commentant le rapport de la fondation Abbé Pierre sur le mal-logement, Julien Denormandie avait défendu l'effort "sans précédent" du gouvernement en matière d'hébergement d'urgence (13.000 places ouvertes depuis le début de la trêve hivernale), mais avait créé la confusion en affirmant que seuls "une cinquantaine d'hommes isolés en Ile-de-France" avaient dormi dans la rue la nuit précédente.

"Je m'en veux si mes propos n'ont pas été explicites. (...) On ne cherche à minimiser aucun chiffre", a affirmé lundi à l'AFP le secrétaire d'Etat, assurant qu'il se référait au nombre de personnes appelant le Samu social en fin de journée et à qui aucune solution d'hébergement ne peut être proposée.

"Les associations parlent de plusieurs milliers de personnes, je n'ai aucune raison de contredire ce chiffre", a-t-il ajouté.

De fait, le Samu social estime que 2.500 à 3.000 personnes dorment dans la rue ou dans des lieux non prévus pour l'habitation, chaque nuit, à Paris.

La polémique a ensuite continué à enfler lorsque le député LREM de Paris Sylvain Maillard avait assuré que ce chiffre était "exact", ajoutant que "même dans les cas de grand froid, certains SDF ne souhaitent pas être mis à l'abri".

"Aucun Parisien ne peut donner foi à de telles déclarations", a répliqué dimanche dans le JDD Louis Gallois, président de la Fédération des acteurs de la solidarité, évoquant des "propos insupportables".

Selon les associations, le gouvernement cherche à minimiser le nombre des sans-abris pour mieux coller à la promesse d'Emmanuel Macron faite en juillet selon laquelle il n'y aurait plus "personne dans les rues, dans les bois, d'ici la fin de l'année".

"Si on commence à dire que le problème, c'est que les personnes ne veulent pas aller dans le centres d'hébergement, ça veut dire qu'on ne souhaite plus regarder l'insuffisance de la force publique", estime Christophe Robert.

"On a des déclarations ministérielles complètement déconnectées des réalités de terrain", selon Florent Gueguen, qui déplore "une instrumentalisation politique de la situation des sans-abris".

Pour François Ravier, secrétaire général de la préfecture de la région Ile-de-France, cette bataille des chiffres "montre bien qu'il y a un problème de méthodologie" à résoudre avant de lancer une quelconque opération de comptage des personnes à la rue.

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