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Seringues et explosifs: les traces de l'EI dans un ancien hôpital en Syrie

A l'intérieur d'un ancien hôpital de fortune du groupe Etat islamique (EI) dans l'est syrien, masques à oxygène, bandages et gants médicaux côtoient des passeports de jihadistes et des sacs remplis de matière explosive.

Dans la cour extérieure de ce bâtiment gardé par un grand portail blanc, trône une civière rouge utilisée jusque dans un passé récent pour le transport des jihadistes blessés.

Non loin de là, les dépouilles de deux combattants de l'EI et d'une femme ont été enterrées sous des monticules de terre par les Forces démocratiques syriennes (FDS).

Cette alliance de combattants arabes et kurdes soutenus par une coalition internationale mène depuis septembre une offensive d'envergure pour déloger les jihadistes de leur fief ultime dans le village de Baghouz.

La "bataille finale" a été lancée contre les jihadistes, désormais confinés dans moins d'un demi-kilomètre carré, mais la progression piétine depuis plusieurs jours.

"Regardez, c'est du sang, c'est ici qu'ils posaient leurs blessés", explique à l'AFP Ihab al-Jabbar, un combattant des FDS, montrant une table en fer entachée de traces rouges.

Dans les pièces de l'ancienne clinique, les équipements et ustensiles médicaux jonchent les sols: seringues usagées, gants, tubes, masques à oxygène, médicaments et papiers sont éparpillés dans un chaos total.

Des sachets en plastique remplis de petit cailloux noirs sont également visibles. "Ils les utilisaient dans leurs engins explosifs", affirme M. Jabbar, 20 ans.

Dans une autre pièce, une poche de perfusion est toujours suspendue au mur.

Ailleurs, les FDS ont découvert plusieurs documents. Sur l'un d'eux, sont affichés les deux emplois du temps -"journée et soirée"- du personnel médical et des urgentistes.

Parmi les listes, figurent des surnoms d'étrangers: Abou Hamza al-Iraki (Abou Hamza l'Irakien), Abou Ayoub al-Tounsi, (Abou Ayoub le Tunisien), mais aussi des noms syriens.

Les autres documents découverts listent les noms des employés du laboratoire, de la pharmacie et des services d'entretien et de sécurité.

- Passeport tunisien -

La clinique, désormais transformée en caserne militaire, est entourée de bâtiments rasés ou éventrés et de carcasses de véhicules calcinés.

Parmi les autres papiers retrouvés par les FDS, figurent la carte électorale d'une habitante de Baghouz datant de 1997 ainsi que des passeports, dont trois ont été consultés par L'AFP.

L'un d'eux, appartenant à un citoyen tunisien de 29 ans, est tamponné d'un droit d'entrée en Turquie daté du 6 janvier 2013.

Au fur et à mesure de leur progression sur le terrain, les FDS ont également découvert d'autres bâtiments transformés en prison, postes de gendarmerie ou autres institutions autrefois contrôlées par l'EI.

Située à quelques kilomètres de l'hôpital de fortune, une antenne de la radio "Al-Bayan" servait de relais pour la propagande médiatique du groupe jihadiste.

Celle-ci "était vide à l'exception d'une petite banderole sur laquelle était inscrit +Radio Al-Bayan+", témoigne à l'AFP un combattant des FDS, Saber, 23 ans, qui arbore une barbe broussailleuse.

Depuis le toit du bâtiment de trois étages, qui surplombe la ligne de front, les combattants racontent pouvoir "entendre parler les jihadistes via leurs talkies-walkies".

Mais "nous ne comprenons pas toujours ce qu'ils disent, certains parlent dans une langue étrangère", confie M. Jabbar.

Un autre combattant coiffé d'une écharpe l'interrompt. "Ils utilisent des mots codifiés comme +Immigré 3+ ou +Immigré 5+", ajoute-t-il.

- "Très bon moral" -

L'ancien hôpital, poste de surveillance stratégique, permet aux FDS de scruter les mouvements des derniers jihadistes retranchés dans leur ultime réduit.

A quelques centaines de mètres, dans le secteur de l'EI, sont visibles des tentes blanches et bleues et deux hommes cagoulés vêtus de pantalons s'arrêtant à la cheville -- tenue imposée par le groupe extrémiste.

La phase "finale" de l'offensive des FDS bute sur la résistance d'une poignée de jihadistes jusqu'au-boutistes.

Retranchés pour la plupart dans des tunnels, sous un océan de mines, ces irréductibles du "califat" autoproclamé par l'EI empêchent la sortie de centaines de civils transformés en "boucliers humains", selon les FDS et la coalition internationale.

"Désormais, la bataille la plus importante pour nous est d'évacuer les civils. La victoire suivra et nous rentrerons chez nous", affirme Saber.

Dans une ruelle, à l'entrée de Baghouz, deux bus transportant des dizaines de combattants débarquent dans un nuage de poussière. De jeunes hommes armés jusqu'aux dents en surgissent, avant d'attendre en rangs l'ordre de permutation des combattants.

L'un d'eux, Majed al-Cheikh, se montre optimiste. "Nous avons un très bon moral, nous les avons totalement rayés", dit-il, à propos des jihadistes.

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