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Soeur Emmanuelle toujours auprès des jeunes mères en difficulté à Bobigny

"Je remercie Dieu de nous avoir trouvé une place ici": avec ses enfants, Yasmine a trouvé refuge en 2016 à la Chrysalide, un centre d'hébergement pour jeunes mères en grande précarité ouvert à Bobigny par Soeur Emmanuelle peu avant son décès il y a 10 ans.

Il est 10h00 et une odeur de café chaud émane de la salle de réunion. Jeunes mamans et éducatrices partagent le petit-déjeuner, trois enfants slaloment entre les tables.

"Depuis que je suis arrivée ici il y a deux ans, je vais beaucoup mieux", confie entre deux gorgées Yasmine(*), 24 ans.

Mère pour la première fois à 15 ans, elle a fui un compagnon violent en 2016 et s'est rapidement retrouvée à la rue avec ses enfants.

C'est pour aider des jeunes femmes comme Yasmine que Soeur Emmanuelle ouvre en 2006 "la Chrysalide" avec son association Asmae.

Plus connue pour ses années d'engagement auprès des enfants des bidonvilles du Caire ou de pays en guerre, "la petite soeur des pauvres" avait découvert une misère grandissante quand elle était rentrée en France dans les années 90.

Elle décide alors d'oeuvrer en Seine-saint-Denis, "le département qui comptait le plus de jeunes mères à la rue avec des bébés", relate Catherine Valadaud, chef de service du centre maternel.

Dans les couloirs, pas de mère supérieure ni de crucifix cloué au mur, l'institution est "laïque et apolitique" à l'image de l'association de Soeur Emmanuelle qui lance cet automne un appel aux dons à l'occasion du 10e anniversaire de sa mort.

Seul un très discret portrait de la religieuse dans la salle d'attente rappelle la fondatrice. Et l'attachement des pensionnaires pour la charismatique soeur ne semble pas plus prononcé qu'ailleurs.

- Victimes de violence -

Aujourd'hui, la Chrysalide - financée en grande majorité par des subventions publiques - accueille 19 mères âgées de 18 à 25 ans. Toutes ont subi des violences intra-familiales et 80% d'entre elles des violences sexuelles, estime Catherine Valadaud.

Parmi ces femmes, certaines d'origine étrangère ont fui vers la France pour échapper à un mariage forcé, d'autres ont été mise à la porte du foyer familial après être tombées enceinte.

Contre un loyer d'environ 130 euros par mois, chacune dispose d'un petit appartement avec kitchenette et chambre pour enfant.

"Pendant des années en mode survie, à leur arrivée ici elles s'effondrent", explique Anne-Laure Joly, la directrice. "Nous les aidons à réparer le passé et à se reconstruire."

Elles sont accompagnées par des éducatrices, des psychologues et des assistantes maternelles.

Avec ses yeux rieurs et son sourire en coin, difficile d'imaginer ce que Yasmine a traversé.

Grâce aux séances chaque mardi avec la psychologue, la jeune femme "arrive enfin à parler". "J'avais des cicatrices sur le corps mais aussi dans la tête."

"Notre but ici, c'est de prendre soin de la mère, pour qu'elle prenne soin de ses enfants et ainsi prévenir les placements", ajoute la directrice.

Dans la cour du centre, Sarah et Jessica, 19 ans, passent le temps. Depuis un banc, elles surveillent leurs enfants qui jouent entre les murs du bâtiment.

Arrivée il y a huit mois, Sarah a parfois l'impression d'"étouffer". "Je me sens trop surveillée, trop encadrée." Les compagnons, autorisés à venir, sont priés de quitter les lieux une fois la nuit tombée.

Toutes espèrent obtenir un logement autonome rapidement: "Quand je vois que certaines attendent depuis trois ans, j'ai envie de pleurer", souffle Sarah.

Yasmine commence elle à voir le bout du tunnel. La jeune femme, qui touche le RSA, emmène chaque matin ses enfants à l'école et doit commencer une formation pour intégrer la police nationale en novembre.

De quoi espérer avoir bientôt les clés de son propre appartement. Et "que d'autres mères puissent prendre ma place ici."

(*) les prénoms des résidentes ont été modifiés

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