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Sondages de l'Elysée: le procès d'ex-proches de Sarkozy débute avec des questions de procédure

Le procès de cinq anciens proches de Nicolas Sarkozy, dont l'ex-secrétaire général de la présidence Claude Guéant, s'est ouvert lundi à Paris dans l'affaire des "sondages de l'Elysée" en l'absence de l'ancien chef de l'Etat, couvert en l'espèce par son immunité présidentielle.

Près d'une décennie après la fin du quinquennat Sarkozy (2007-2012), les prévenus, alors membres de sa garde rapprochée, se sont retrouvés en début d'après-midi devant le tribunal correctionnel.

Surnommé le "cardinal", l'ancien ministre Claude Guéant, 76 ans, lunettes sans monture et cheveux gris, a salué Patrick Buisson, l'influent conseiller venu de l'extrême droite, 72 ans, qui a passé la porte de sa démarche légèrement voutée.

Après deux heures de débats de procédure, le tribunal a suspendu l'audience et tranchera mardi sur une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) et sur l'usage éventuel de la force publique pour faire témoigner Nicolas Sarkozy, cité par l'association Anticor.

Protégé dans ce dossier par l'immunité pénale garantie par la Constitution, l'ancien président n'a jamais été poursuivi ni entendu et il a fait savoir, dans une lettre lue lundi par le président du tribunal, qu'il "n'entendait nullement déférer à cette convocation".

Déjà cité au cours de l'information judiciaire en 2016, il avait refusé de venir. Le juge d'instruction avait alors estimé que le contraindre à le faire serait "disproportionné".

"Son témoignage est indispensable pour comprendre" le "système" alors en vigueur à l'Elysée, a plaidé lundi Me Jérôme Karsenti, l'avocat d'Anticor.

"La position du juge d'instruction" était "une position de bon sens et de sagesse", a simplement déclaré le représentant du Parquet national financier (PNF), précisant "s'en remettre" au tribunal.

- "Addiction sondagière" -

Le conseil de Claude Guéant a par ailleurs défendu une QPC sur l'étendue de l'immunité du président qui, selon lui, s'étend à son secrétaire général.

Condamné à un an de prison ferme en mars dans l'affaire des "écoutes", Nicolas Sarkozy s'est vu infliger une autre année d'emprisonnement ferme dans le dossier Bygmalion fin septembre. Des sanctions dont il a fait appel.

L'affaire jugée à partir de lundi a révélé l'appétit de la présidence Sarkozy pour tous les sondages, de la popularité du président à ses réformes ou aux questions d'actualité, en passant par ses rivaux politiques ou l'image de sa nouvelle compagne Carla Bruni, qu'il a épousée en 2008.

Une "addiction sondagière, une conduite à la petite semaine, au GPS des sondages", avait dénoncé en 2012 l'élu écologiste Raymond Avrillier, qui a obtenu de la justice administrative des documents du palais présidentiel et témoignera au procès.

Pendant un mois, le tribunal doit se pencher sur des contrats de conseil et de sondages conclus avec les sociétés de Patrick Buisson et du politiste Pierre Giacometti, ainsi que des commandes passées directement par l'Elysée à des instituts, en particulier Ipsos.

Au total 7,5 millions d'euros d'argent public, qui n'ont pas fait l'objet de publicité ni d'appel d'offres et sont considérés par le PNF comme du favoritisme.

- Détournements -

Le lecture des infractions a été, lundi, la plus longue pour Patrick Buisson: jugé pour recel de favoritisme, il comparaît aussi pour détournement de fonds publics, du fait en particulier de deux contrats signés avec ses sociétés : Publifact et Publi-Opinion.

Rémunéré 10.000 euros par mois pour une mission de conseil, il pouvait en outre livrer des sondages à sa guise: entre 2007 et 2009, l'accusation en a compté 235, achetés à des instituts puis revendus à l'Elysée avec des marges de 65 à 71%, pour un bénéfice de 1,4 million d'euros.

Tombé en disgrâce à droite en 2014 après la révélation des enregistrements clandestins de conversations à l'Elysée, Patrick Buisson est enfin poursuivi pour abus de biens sociaux, soupçonné d'avoir fait supporter près de 180.000 euros de dépenses personnelles à ses entreprises.

Autre habitué de l'Elysée sous Nicolas Sarkozy, l'ancien codirecteur d'Ipsos Pierre Giacometti est mis en cause pour recel de favoritisme à cause d'un contrat de "conseil en stratégie" signé en 2008.

Pour avoir organisé la signature de ces contrats, Claude Guéant est jugé pour favoritisme et détournement de fonds publics par négligence, comme Emmanuelle Mignon, ex-directrice de cabinet.

L'ex-conseiller "opinion" de l'Elysée Julien Vaulpré comparaît pour favoritisme en lien, cette fois, avec les sondages commandés directement aux instituts. Ipsos est lui aussi poursuivi.

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