Accueil Actu

Sous pression, Amman cherche une réforme satisfaisant citoyens et créanciers

Après une semaine de manifestations, les autorités jordaniennes ont dû reculer sur un projet de loi fiscale décrié mais elles doivent maintenant proposer une nouvelle mouture satisfaisant la population tout en étant économiquement viable pour le pays en difficulté financière.

Le royaume, largement dépendant des aides étrangères, s'est engagé auprès du Fonds monétaire international (FMI) à mener des réformes structurelles en échange d'un prêt de plusieurs centaines de millions d'euros. Un projet de loi sur l'impôt sur le revenu a provoqué des manifestations sans précédent depuis 2011.

Selon des analystes, le Jordanien, toute classe sociale confondue, est totalement épuisé par des hausses de prix à répétition.

Dans les rues de Amman, l'ambiance n'est plus à la fête en ce mois de ramadan. Les tentes où se déroulent traditionnellement la rupture du jeûne et des soirées musicales ont quasiment disparu cette année.

"La capacité du citoyen à payer est quasiment nulle et toute hausse d'impôts signifie concrètement une baisse des revenus", affirme à l'AFP l'analyste Labib Qamhaoui.

Depuis janvier, le prix du pain a augmenté de 100%, le carburant a été majoré à cinq reprises et les factures d'électricité ont augmenté de 55% depuis février.

La Banque mondiale évoque une "faible perspective de croissance en 2018" pour la Jordanie où 18,5% de la population est au chômage et 20% vit à la limite du seuil de pauvreté.

"Ce qui s'est passé est inédit. Il y a eu une convergence d'intérêts de toutes les classes sociales", indique M. Qamhaoui, en référence aux manifestations qui ont rythmé les nuits de la capitale ---et dans une moindre mesure celles d'autres villes de province-- durant sept jours.

- "Donner une chance" -

La Jordanie mène depuis près de 30 ans des politiques économiques impopulaires sous la recommandation du FMI, mais la frustration sociale s'est accentuée ces deux dernières années car le gouvernement a fermé la porte au dialogue, affirme Ahmad Awad, directeur du centre jordanien Phenix pour les recherches économiques.

Le projet fiscal décrié a été "la goutte qui a fait déborder le verre", dit-il, estimant que son retrait était inévitable.

Selon lui, le texte "ne contenait pas les moindres bases d'une fiscalité juste. Il allait accentuer le ralentissement économique en rognant encore davantage le pouvoir d'achat des ménages."

Son retrait jeudi a été largement salué sur les réseaux sociaux et les manifestations ont cessé dans la nuit. "Il faut donner une chance à (Omar) Razzaz", le Premier ministre désigné, a affirmé sur Facebook une manifestante, Hadil Ghassan, affirmant toutefois que la contestation reprendra si les revendications sociales ne sont pas prises en compte.

Le principal défi du nouveau gouvernement --qui doit être formé dans les prochains jours-- sera ainsi de réfléchir à une réforme globale et à long terme du système économique, sans reproduire les "erreurs" des précédents cabinets, estiment des analystes.

Pour réduire progressivement la dette publique --à 77% du PIB d'ici 2021, contre 94% en 2015, selon ses engagements auprès du FMI-- le gouvernement a toujours alourdi la fiscalité sans limiter les dépenses publiques ni s'attaquer à la corruption qui gangrène l'économie, estime M. Qamhaoui.

- "Occasion historique" -

Dès jeudi, le Premier ministre désigné s'est engagé à ce que toute hausse d'impôt soit systématiquement accompagnée d'une amélioration dans les services de santé, d'éducation ou de transport.

Diplômé de Harvard, cet économiste de 58 ans a représenté la Banque mondiale au Liban entre 2002 et 2006.

"Son poste requiert une personnalité très solide, capable de faire face à toute la corruption qui gangrène les sphères du pouvoir et de tenir tête aux institutions financières internationales", affirme M. Qamhaoui.

L'accueil de centaines de milliers de Syriens ayant fui la guerre pèse lourdement sur les finances publiques et Amman qui appelle régulièrement la communauté internationale à une aide plus substantielle sur ce dossier.

"L'équation est très difficile" pour le nouveau chef du gouvernement, reconnaît M. Qamhaoui, un avis partagé par l'analyste Adel Mahmoud. "M. Razzaz est face à une occasion historique", dit-il.

Il doit ainsi choisir une équipe ministérielle capable de corriger les erreurs des précédents gouvernements, sinon la population peut à tout moment redescendre dans la rue.

Une tâche "difficile mais n'est pas impossible", dit Ahmed Awad, insistant toutefois sur la nécessité que "les sphères du pouvoir (...) lui laissent le champ libre".

À lire aussi

Sélectionné pour vous