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Sur la route des Etats-Unis, les enfants des sauf-conduits illusoires

La mort aux Etats-Unis d'une fillette et d'un petit garçon originaires du Guatemala révèle que les passeurs font souvent croire aux émigrants illégaux qu'ils auront de meilleures chances d'avoir accès au "rêve américain" s'ils sont accompagnés d'enfants, selon les témoignages recueillis par l'AFP.

Parti de son village reculé de la région maya de Nenton, dans l'ouest du Guatemala, près de la frontière mexicaine, Agustin Gomez a entrepris le voyage avec son fils Felipe, âgé de huit ans.

Après leur arrestation par des gardes-frontière américains, le garçon s'est éteint la nuit de Noël, pour une raison qui n'a pas encore pu être établie avec certitude. Des villageois et des proches ont raconté à l'AFP que le père croyait que la présence de l'enfant à ses côtés lui faciliterait l'entrée aux Etats-Unis.

Deux semaines auparavant, une fillette de sept ans, également guatémaltèque et originaire d'une région maya, avait péri dans des circonstances similaires. Jakelin Caal et son père Nery avaient eux aussi été arrêtés par les gardes-frontière avoir quitté leur village de Raxruha, dans le nord.

La mort des deux enfants a suscité une vive émotion, aux Etats-Unis et dans le monde.

- Soustraire les enfants aux gangs -

C'est sans nul doute la misère qui jette parfois sur les routes des familles entières. Emmener les enfants, c'est également pour beaucoup de parents les soustraire au recrutement par des gangs de criminels. Les expropriations de terres ancestrales pour faire place à de grands projets d'infrastructures ou les désastres provoqués par le changement climatique sont encore autant de causes de départs, selon les experts consultés par l'AFP.

Il n'en reste pas moins que des rumeurs circulent dans les communautés déshéritées sur le fait que la présence d'un enfant peut faciliter l'intégration au nord du Rio Grande, explique à l'AFP Roxana Palma, une responsable de la Maison du Migrant au Guatemala.

Très souvent, les passeurs, surnommés les "coyotes", ne disent pas la vérité sur les procédures d'immigration aux Etats-Unis et font seulement miroiter la perspective d'une vie meilleure, déplore-t-elle.

"Malheureusement, ce sont eux qui informent mal les gens sur la manière d'aller aux Etats-Unis de façon +sûre+, entre guillemets", ajoute Roxana Palama.

Selon un autre expert, qui préfère rester anonyme, l'administration sous le précédent président américain Barack Obama "réservait un traitement particulier aux adultes accompagnés d'enfants", mais cela est maintenant terminé avec Donald Trump. "Les passeurs continuent de dire que l'on peut entrer avec des enfants, mais ce n'est plus valable", insiste-t-il.

- "Les coyotes trompent les gens" -

"Nous voyons aussi comment les réseaux de trafiquants de migrants et les coyotes recrutent, font payer et trompent les gens", souligne Danilo Rivera, le coordinateur de l'Institut centro-américain d'études sociales et pour le développement (Incedes). Selon lui, ces réseaux utilisent même des radios locales dans les régions mayas de l'ouest du Guatemala pour faire croire qu'ils peuvent obtenir des visas et des voyages pour les Etats-Unis de manière "sûre et rapide".

Les autorités guatémaltèques "ne font pas grand-chose" pour contrecarrer cette propagande mensongère, ni pour s'attaquer aux causes de l'émigration, regrette Danilo Rivera.

Selon les études de l'Organisation internationale pour les Migrations (OIM), la majorité des migrants guatémaltèques refoulés par le Mexique et les Etats-Unis sont originaires des régions de l'ouest, les plus pauvres du Guatemala.

Le père et deux frères de Pascual Domingo, partis du village de Yalambojoch, comme le malheureux petit Felipe, ont réussi à passer aux Etats-Unis et envoient à présent de l'argent à la famille restée au pays. "Tous ceux qui partent là-bas, c'est parce qu'ils n'ont plus d'argent, qu'ils ne trouvent pas de travail", insiste Pascual. Dans ce département de Huehuetenango, 73,8% des habitants vivent en dessous du seuil de pauvreté, d'après les statistiques officielles.

Maria Lucas, 40 ans, est heureuse de montrer sa maison, construite en dur grâce à l'argent que lui envoie son fils Juan, installé depuis trois ans aux Etats-Unis. "Mon enfant est parti à cause de la misère. Nous sommes dans le besoin, c'est pour ça qu'il a dû partir", explique Maria.

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