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Syrie: craintes d'une régionalisation du conflit avant une réunion américano-russe

La crainte d'une contagion régionale du conflit syrien, alors que Washington semble approuver un récent raid aérien audacieux d'Israël près de Damas pour prévenir une livraison d'armes redoutables au Hezbollah libanais, rend plus cruciale une réunion samedi entre les Etats-Unis et la Russie, allié de poids de Bachar al-Assad.

Un haut responsable américain a confié vendredi à l'AFP sous couvert de l'anonymat ce que tout le monde sauf Israël disait déjà: des avions de Tsahal ont bombardé mercredi --et dans la banlieue de la capitale-- des missiles sol-air et un complexe militaire suspecté d'abriter des armes chimiques, l'Etat hébreu redoutant qu'elles ne soient livrées à l'un de ses pires ennemis, le Hezbollah.

Cela ne semble donc pas un hasard si, à quelques heures d'une rencontre jugé primordiale à Munich, en Allemagne, du vice-président américain Joe Biden avec le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, le secrétaire à la Défense sortant, Leon Panetta, a laissé entendre que Washington soutenait ce raid israélien.

"Le chaos en Syrie a créé un environnement dans lequel la possibilité que ces armes traversent la frontière et tombent entre les mains du Hezbollah est devenue une inquiétude plus forte", a-t-il confié dans un entretien exclusif avec l'AFP.

Damas avait accusé mercredi Israël d'avoir bombardé un centre de recherche militaire, menaçant de représailles, mais l'Etat hébreu, contrairement à la presse israélienne, n'a jamais confirmé. "Cela s'est passé dans la banlieue de Damas", a affirmé vendredi à l'AFP un haut responsable américain qui a requis l'anonymat, précisant que les cibles des chasseurs de Tsahal étaient "des missiles sol-air" SA-17 de fabrication russe montés sur des véhicules ainsi qu'un ensemble de bâtiments militaires adjacents, soupçonnés d'abriter des armes chimiques.

Les Israéliens craignaient que ces armes soient transférées au Hezbollah chiite libanais, proche de Damas et de Téhéran, a encore précisé ce responsable.

Et M. Panetta a indiqué que Washington partageait le soucis d'Israël de "tout" faire "pour s'assurer que des armes telles que les missiles SA-17, ou des armes chimiques, ne tombent pas entre les mains de terroristes". "Les Etats-Unis soutiennent toutes les décisions prises pour s'assurer que ces armes ne tombent pas entre les mains des terroristes", a-t-il martelé quand l'AFP l'interrogeait précisément sur le raid israélien.

Ce soutien à peine déguisé à l'initiative israélienne survient également quelques jours après que Washington eut une nouvelle fois dénoncé l'aide militaire de l'Iran et de la Russie au régime de Bachar al-Assad et alors que les experts s'inquiètent d'un risque que le conflit syrien s'étende dans la région, Damas menaçant l'Etat hébreu de représailles et l'Iran affichant son soutien au régime d'al-Assad.

Jeudi soir, Hillary Clinton, encore chef de la diplomatie américaine pour quelques heures, avait accusé Moscou de continuer "de fournir une assistance financière et militaire" à Damas et l'Iran d'envoyer "davantage de personnels" et d'armements pour l'aider à faire face à la rébellion.

Risque de "mettre le feu à la région"

A la 49e Conférence de Munich sur la sécurité samedi, l'enjeu paraît donc de taille.

M. Biden doit y voir outre M. Lavrov, le médiateur international Lakhdar Brahimi et le chef de l'opposition syrienne Ahmed Moaz al-Khatib, qui avait créé la surprise mercredi en se disant prêt à dialoguer, sous conditions, avec le régime de Bachar al-Assad. "Nous sommes prêts à nous réunir autour d'une table de négociations avec ce régime", a-t-il d'ailleurs répété vendredi soir. Cette proposition a cependant été rejetée par le Conseil national syrien (CNS), la principale composante de l'opposition.

Dans une guerre qui a fait, selon l'ONU, plus de 60.000 morts en près de deux ans et engendré une situation humanitaire catastrophique, l'opposition, craint l'enlisement et semble se rendre compte que seul un règlement politique peut mettre fin à la guerre, selon des analystes.

Les médias israéliens ont eux aussi évoqué le risque de conflit régional en cas de nouveau raid, surtout si l'opération ne suffisait pas selon eux à décourager des transferts d'armes vers le Hezbollah, allié à Damas et Téhéran.

"Quelle que soit la sophistication de cette opération, elle sera très probablement impossible à rééditer sans mettre le feu à la région", prévient le correspondant militaire du quotidien Yediot Aharonot. L'Iran a d'ailleurs mis en garde contre les "graves conséquences pour Tel-Aviv" après le raid.

Et au Liban, des accrochages entre des militaires libanais et des hommes armés à la frontière syrienne ont tué deux soldats, des incidents qui se répètent depuis le début de la guerre en Syrie en mars 2011.

Sur le terrain, de nouveaux combats ont eu lieu vendredi à la périphérie de Damas, où des chars de l'armée visaient des fiefs rebelles, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). L'aviation a également bombardé les bastions des insurgés sur plusieurs fronts.

Selon un bilan provisoire de l'OSDH, les violences vendredi ont encore tué au moins 85 personnes -31 soldats, 31 rebelles et 23 civils-. Et une mission de l'ONU en Syrie a signalé que 420.000 personnes, pour moitié des enfants, avaient besoin d'une aide immédiate dans la région de Homs.

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